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Les Chroniques de la Rapière d'Argent, par Seïra Fulmen


DomFulmen
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Salutations, chers lecteurs !

 

 

 

Vous me connaissez peut-être pour mes précédentes chroniques, ou encore mes articles à feu Vagabond Enchaîné, ou mes joutes RP avec l'ami Zovsky, ou encore juste parce que vous me voyez dire des choses dans le chat ou que vous passez juste par là.

Et, si tel est le cas, je vous en remercie de toute façon, parce que vous êtes venus !

 

Encore une fois, je vous renvoie aux chroniques RP de Zovsky, SL, Opera, Tybalt, Ti-ret et encore Ti-ret, mes fidèles camarades RPistes disparus (enfin, tous sauf Zovsky).  Ils comptent parmi ceux que je considère comme les plus belles plumes du serveur, et ils reviennent de temps en temps dans mes RP, donc n'hésitez pas à y faire un tour !

 

Autrement, vous trouverez sur ce topic les différents chapitres de ces nouvelles choniques RP, à mesure de leur sortie. Comme d'habitude, le vilain forum risque sans doute de me limiter dans le nombre de caractères que je peux utiliser par post, donc je mettrais tous les liens vers tous les prochains chapitres sur ce post.

Tout ce que vous pourrez lire sur ce post sera directement lié à mes premières chroniques, je vous conseille donc fortement de les lire d'abord si ce n'est pas déjà fait. Non que vous ne puissiez comprendre celles-ci sans, mais vous pouvez rater quelques trucs, ou en trouver d'autres un peu flous.

 

Cela dit, comme j'estime que mes premières chroniques n'ont pas la qualité de ce que je peux produire maintenant, et que ça fait un très très long texte à lire, je vous propose de petits résumés chapitre par chapitre :

 

 

Chapitre 1 : Dom Fulmen est amnésique, et se trouve sur un monde qu'il ne connait pas, hanté par le spectre invisible de son passé et les dangers du monde. Il finit par être contacté par une étrange créature noire et longiforme appelée Chickenderpig, qui lui propose de l'amener sur les terres dites de « Minefield ». Sentant l'embrouille mais acceptant malgré tout, Dom se retrouve donc sur un tout nouveau monde à découvrir.

 

Chapitre 2 : Perdu sur ces terres inconnues, seul et ne connaissant personne, Dom est en proie au désespoir. Intrigué par un étrange lapin blanc, qu'il finit par suivre. Il est mené jusqu'à une fourmilière géante, habitée de fourmis géantes : Bel-O-Kube. Il y apprend qu'il a l'esprit fourmi et peut rejoindre l'esprit commun de la fourmilière, ce qu'il accepte. Cependant, malgré ce nouveau foyer, une ombre noire rôde.

 

Chapitre 3 : Dom parvient pour la première fois à la toute nouvelle Colonie du Kubnigera, née de l'alliance de Bel-O-Kube avec le Lac d'Émeraude. Émerveillé, il s'égare dans la forêt et finit par découvrir un passage dans une racine. Celui-ci mène jusque sous les racines du Kubnigera, dans une grande salle contenant une gemme, laquelle contient la conscience du Kubnigera. Piégé par le Chickenderpig, il commence une transformation en fourmi et à perdre contrôle de lui-même. Il est néanmoins sauvé par la conscience de la gemme. Une fois ressorti, il se découvre la capacité à se transformer à volonté, plus ou moins partiellement, en fourmi, et acquérir les capacités qui en découlent. Notre héros revient à la Colonie et est nommé l'un des conseillers du Kubnigera.

 

Chapitre 4 : Épuisé par l'exercice du pouvoir, Dom reçoit pour mission d'enquêter sur d'étranges disparitions, qui seraient liées à de mystérieux spectres. Sur place, il découvre une importante et ancienne crypte, à l'intérieure de laquelle se terre une créature plus noire que la nuit. Accompagné par des relents de son passé, Dom confronte la créature, qui s'avérait fuir le Chickenderpig lui-même, en réalité nommé Nigrum. Lui promettant des réponses, la créature nommée Umbra l'aide à trouver la paix : Dom est amené à demander la citoyenneté.

 

Chapitre 5 : Dom, grâce à l'aide d'Umbra, retrouve ses souvenirs :

Dom vient en réalité d'un autre univers. Il y était le protecteur et l'assassin de son ami et souverain, Ysgorn, roi du royaume appelé Ryalkan. Il avait également une famille, une vie heureuse. Néanmoins, le roi est assassiné par Khalog, un ennemi de la couronne, et Dom piégé, accusé du meurtre de son roi, et forcé de fuir. Piégé par Nigrum, il survit, mais perd la mémoire. Amusé de ce revirement de situation, Nigrum décide donc, au chapitre 1, de jouer avec lui.

Choqué par ces révélations, et après une longue réflexion, Dom prend une importante décision et se rend en capitale, trouver les empereurs. Une fois sur place, il est attaqué par Nigrum et rejoint par Zovsky. Fort du regain de ses souvenirs et de ses capacités, Dom et Zovsky parviennent à vaincre la créature.

Lors d'une audience avec l'Impératrice Louvinette, Dom offre son épée pour l'Empire et demande la chevalerie, afin d'obtenir de meilleures ressources pour retourner à Ryalkan, son pays natal.

 

Chapitre 6 : Dom est obsédé par ses recherches pour créer un portail vers Ryalkan. Entre deux livres, il rencontre Marie, qui semble tout autant épuisée et tourmentée que lui. Il décide de la suivre, et la rejoint dans son combat contre une monstrueuse créature tentaculaire. Malheureusement, son intervention est trop tardive, et le sort de Marie est incertain.

 

Chapitre 7 : Furieux du sort de Marie, Dom finit par acquérir la faculté de voyager jusqu'à son plan d'origine. Plus puissant grâce à ses recherches sur la magie, et furieux, il entre dans la forteresse et y retrouve sa femme, Aïda, et sa fille, Seïra. Il confronte Khalog, qui avait pris le trône, le vainc, vainc Nigrum, et devient roi de Ryalkan.

En guise d'adieu provisoire, il envoie son histoire et ses recherches par un portail vers Stendel, promettant de revenir un jour.

 

 

 

Et, histoire de prévenir, tout de même, ces RP seront pas mal différents de mes précédents sous pas mal de points. Aussi, j'ignore combien il y aura de chapitres en tout, donc ça peut se terminer relativement n'importe quand.

 

Et, comme d'habitude, si vous avez des commentaires, critiques, remarques à faire, n'hésitez pas à poster à la suite !

 

Sur ce, je pense avoir tout dit, et je vous souhaites donc une bonne lecture !

 

 

 

:book: Chapitre 1 — La rapière d'argent

 

 

 

          Je pris quelques instants pour lisser le devant de ma robe, et je me considérai dans le miroir. D’un gris mat, argenté, et décorée d’arabesques de velours noir, elle frôlait le sol. Je soupirai. J’étais loin d’apprécier les tenues bridant mes mouvements. Pour couronner le tout, les manches longues m’empêchaient de plier complètement les bras. C’était à se demander à quoi pouvait bien servir la rapière à ma hanche, même si l’avoir au côté ne me déplaisait pas. Mais je savais que l’apparence compterait et je me résignai.

          Le soleil commençait à se coucher et ma visibilité chutait avec lui. J’allumai les bougies parsemées dans la pièce, la plongeant dans une chaude ambiance tamisée. Puis, luttant contre mon accoutrement, je levai difficilement les bras afin d’attacher en demi-queue, en un nœud sobre mais élégant, mes longs cheveux châtains. J’en observai les reflets dorés, tournai la tête d’un côté et de l’autre afin d’y faire jouer les flammes des bougies qui les accentuaient. Satisfaite du résultat, je l’accompagnai d’un ruban fin et argenté qui compléta le tout.

          J’étais prête.
          À la sortie de ma chambre m’attendait ma mère. Sa robe était noire et rouge, assortie au pourpoint long que portait très probablement mon père. En comparaison, la sobriété de la mienne me mit mal à l’aise, mais le regard d’admiration qu’elle me porta parvint tout de même à me rassurer quelque peu.

          « Tu es magnifique, ma chérie… Vraiment magnifique, souffla-t-elle. Tu es prête ?
          — Je me demande si je le serais jamais, mère, murmurais-je. » Je me fis violence. Je devais y croire, faire de mon mieux. Afin de ne pas poursuivre sur cette conversation, je fis un tour lent sur moi-même. Le volant décrivit une gracieuse spirale en décalage, puis retomba et s’immobilisa avec moi. « Trouves-tu quelque chose à redire ? »

          Elle me tourna rapidement autour, égalisa la longueur des bouts et boucles du ruban dans mes cheveux, et me regarda à nouveau. « Maintenant non, sourit-elle. Viens, il ne faudrait pas être en retard ! »
          Je répondis à son sourire et m’emparai de la belle cape drapée assortie à ma tenue, et sobrement décorée. Je jetai un dernier coup d’œil à ma chambre, comme si j’allais ne plus la revoir, et je donnai le bras à ma mère. Alors que nous nous dirigions vers la salle du trône de la forteresse, le trajet, accompagné par le battement de mes talons sur les dalles de marbre immaculé, me sembla durer une éternité.
          L’immense salle était, pour la première fois depuis des années, d’une bienveillance qui surprenait quand on l’avait vue dans ses plus mauvais jours. Les grandes colonnes et les murs nus n’étaient pourtant pas très accueillants par nature, mais les domestiques avaient fait un travail surprenant. Partout, la pièce était recouverte de tapis noir et argent, à mes couleurs, si bien que l’on aurait pu croire fouler la voute céleste elle-même. Sur les murs, tentures illustrant batailles, histoires, ou scènes fantastiques voisinaient avec des feux, des plantes, des fleurs et des guirlandes. Tout en haut, loin au-dessus des têtes, le plafond arqué était plongé dans les ténèbres et accueillait une multitude de minuscules flammes magiques bleues nuit, que les mages de la cour avaient animées dans un lent ballet ; ainsi, elles faisaient écho aux tapis. À mon premier pas sur ces derniers, mon talon s’enfonça tellement que je me surpris à me demander quand viendrait le sol. On avait presque envie de s’y allonger.

          À ma droite, les deux immenses battants de la porte menant sur la cour de la forteresse étaient encore clos. Seuls quelques gardes étaient à leur poste, devant chaque colonne. Tous les serviteurs étaient partis, les préparatifs étant terminés. Seul, au centre de la pièce, mon père attendait, les yeux dans le vague. Ma mère lâcha mon bras pour me devancer, et tira son mari de son nuage, la main sur son épaule.
          « Dom ! Regarde donc comme ta fille est belle ! lui souffla-t-elle avec fierté. »
          Son regard vert jade se dirigea vers moi, et croisa le mien. Je baissai instinctivement le front, comme une petite fille que l’on aurait grondée, avant de me reprendre et de soutenir son inspection. J’avais encore beaucoup de mal avec sa façon d’observer, de décortiquer le monde. J’avais l’impression d’y retrouver la mienne, mais usée, brutale et incisive, et je me repliais sur moi-même à chaque fois que je m’y confrontais. Comme pour ma mère un peu plus tôt, je lui offris une petite rotation gracieuse. Et, comme pour ma mère, je lus la même fierté sur son visage. Même s’il était nouveau dans ma vie, et que je parvenais mal à cerner la relation ou les réactions que je devais avoir avec lui, je devais reconnaître qu’il était un réconfort, sous certains aspects.
          « Tout va bien ? Pas trop le anxieuse ? s’enquit-il.
          — Si fait. J’ai peur de ne pas être à la hauteur de ce que l’on attend de moi. Es-tu sûr de ton choix, père ? » Et, à ce dernier mot, cette éternelle étincelle dans ses yeux qui me rappelait que, malgré les années de séparation qui nous avaient été imposées, il me portait une affection sans borne.
          « Je ne pourrais pas être plus sûr de ma décision. » Il me tendit un bras, sur lequel je posai la main. « Tu es la jeune femme la plus brillante et la plus exceptionnelle de ce royaume, sans aucun doute, et tous ce soir viennent pour le constater. » Je ne pus réprimer l’envie de m’agripper davantage à son bras. Cet homme avait presque trois siècles de plus que moi, et infiniment plus d’expérience. Je me voyais mal faire le poids. Il dut le sentir, vu qu’il m’arrêta au milieu des marches et me prit par les épaules. « N’aie crainte, ma fille. Aïda et moi serons là pour t’épauler et te conseiller, au moins dans tes débuts. Tu ne seras pas seule, je t’en fais la promesse. »
          Je hochai la tête, toujours peu convaincue. Je décidai néanmoins de leur faire confiance. Le temps de quelques instants, il m’observa, se demandant si je ne souhaitais pas ajouter quelque chose. En toute réponse, je me fendis d’un petit sourire qui sembla le rassurer un peu. Il me le rendit, puis m’accompagna jusqu’en face du trône.

 

          Alors même que nous y parvenions, le son des portes s’ouvrant fit vibrer l’air. Elles-mêmes répercutaient cet écho, sorte de glas de bois, alors qu’elles pivotaient sur leurs gonds en parfait silence. Comme pour respecter cet appel, chaque membre de la foule qui entrait se tut à peine un pied posé à l’intérieur de la salle. Le tapis étouffant les pas, et chacun tenant un silence respectueux, l’espace se combla peu à peu.
          Avant que la salle soit moitié pleine, Dom invoqua un grand portail mauve et vibrant duquel sortirent une petite dizaine de personnes. Une à une, il les enlaça et leur souhaita la bienvenue, les plaçant du même coup dans l’esprit de tous comme des invités de marque. C’étaient  ses amis du plan de l’Empire Stendelien ; j’y reconnus les dénommés Zovsky et Arthur, à qui il serra fraternellement le bras. Je les avais déjà rencontrés lors de rares entrevues, à de rares occasions. Le reste des invités était étrange, et on y comptait notamment une étrange créature verte et un lapin blanc à taille humaine.
          Une fois la gigantesque salle pleine, les portes furent refermées. On comptait, du premier rang vers le fond, une grande majorité des nobles et membres de la cour de Ryalkan, de grands dignitaires et marchands influents, des officiers de l’armée, et le peuple qui avait réussi à entrer avant que la salle ne fut emplie. Il y avait probablement plusieurs milliers de personnes, et autant de paires d’yeux naviguant entre mon père et moi, attendant la suite. Tous ou presque portaient une cape noire, faisant écho à ma propre tenue.

         La voix légèrement amplifiée par sa magie, Dom prit la parole. « Tous ici êtes chers à mes yeux. Pour certains, des amis. Pour d’autres, des frères d’armes. Des confidents. Ou une famille. Suite aux malheurs qui avaient frappés nos belles terres, mon retour après tant d’années d’absence vous a redonné espoir ; conformément aux souhaits de notre ancien souverain, mon ami Ysgorn le Rouge, et à votre demande, j’ai pris place sur le trône. Néanmoins, le temps de se retirer vient pour chacun d’entre nous. Je suis convaincu de ne pas être le souverain idéal, d’être trop vieux, trop usé pour continuer à remplir mon serment. C’est pourquoi ma fille a accepté de prendre ma place, de remplir cette fonction, et de… »
          Tous les regards se portèrent sur moi. Tous me jugeaient, m’évaluaient. Toutes ces personnes voulaient savoir si je serais digne de leur confiance, de diriger leur royaume, de leur apporter sécurité, justice, et la vie heureuse qu’ils souhaitaient. Mon cœur rata un battement à cette pensée et sembla repartir à l’envers ; j’avais l’impression qu’il essayait de pratiquer la fuite que mon corps tétanisé refusait d’accomplir. La voix profonde du discours de mon père me sembla un chant funèbre, dont chaque mot prononçait ma sentence, dont chaque lettre était un pic de plus dans mon cœur, que chaque personne en face de moi replantait encore, encore, et encore. Je détestais mon père de m’avoir placé là, je me détestais d’avoir accepté. J’aurais tout donné pour disparaître.

          Mon regard désespéré se porta sur ma mère, à quelques mètres de moi, à l’avant de la foule. Elle semblait être un îlot paisible au milieu d’une mer tumultueuse. Son air attendri, plein de fierté et de compréhension que seule une mère peut offrir, m’apporta une paix bienvenue, et je me repris. Mon destin m’appartenait et la décision de monter sur ce trône était la mienne. Si mon père m’avait fait confiance, c’est que j’en avais les moyens. J’en étais capable.
          L’inspiration que je pris me sembla être la première depuis des heures.
          Je m’avançai.
          « … J’espère, mes amis, que vous comprendrez mon choix. Ma fille est dotée de talents uniques, d’une sagesse que j’aurais aimé avoir à son âge, et je…
          — Je comprends votre réaction. » l’interrompais-je, et tous se braquèrent dans ma direction. Néanmoins, ma voix me semblait animée de flammes et être un tonnerre grondant. Reprenant de l’assurance, je descendis parmi l’assistance, qui s’écarta. Je poursuivis. « Je la comprend, et je la partage. Comment pourrais-je faire une Reine ? Je suis jeune, inexpérimentée, je n’ai aucun exercice du pouvoir. Cependant, j’ai ce que beaucoup de souverains n’ont pas : l’honnêteté. Celle avec laquelle je vous parle à présent. Celle avec laquelle je reconnais mes faiblesses, mais aussi mes forces. J’ai connu la guerre et la tyrannie de Khalog, comme vous. J’ai vu notre royaume sombrer, pourrir et se gangrener. Et, comme vous, je souhaite remonter la pente, rendre à notre foyer, à notre identité sa gloire d’antan.

          » Je ne vous demande pas de m’aduler, de m’obéir sans discernement, ou de vous soumettre aux directives d’une gamine. Je vous demande de la confiance. La confiance que je peux avoir une influence, un impact, que je peux répondre à vos attentes. La même confiance que je vous porte, et que vous avez portée à mon père. Un souverain n’est rien sans son peuple. Ainsi, à vous, mon peuple, je me remets. »

          Mon regard balaya l’assistance. Beaucoup de ces hommes me dépassaient encore, malgré la hauteur que m’offraient mes talons. On aurait dit que j’étais entourée de montagnes. Des montagnes que j’étais prête à gravir et à ébranler.

          Un premier genou se posa au sol près de moi. Suivi d’un autre, puis d’encore un. Telle une vague, tous dans la salle ployèrent. Dom était encore sur l’estrade, rayonnant de bonheur. Il s’avança, suivant la percée que j’avais fait dans la foule, et vint jusqu’en face de moi. Il posa à son tour une jambe au sol et dégaina son épée dans un tintement clair. La lame vibra de longues secondes alors qu’il prenait la parole. Il me la tendit à plat sur ses paumes.

          « Seïra Fulmen, vous avez conquis mon cœur et ma loyauté. Je vous offre mon épée et ma vie… ma Reine. »
          D’un seul mouvement, près de dix-mille épées furent tirées et me furent présentées. Les gardes, agenouillés devant chaque colonne de la salle du trône, inclinèrent leurs longues hallebardes et frappèrent du poing, tous en cœur et à de multiples reprises, leur cuirasse. Tel le hurlement d’un dragon gigantesque, un seul cri, qui fit vibrer le sol, s’ébranler les murs : « REINE SEÏRA ! ».

          Je ne me réjouis pas encore néanmoins. Je savais ce qui m’attendait
          Comme en réponse à cette pensée, les épées retournèrent au fourreau et tous s’écartèrent en un large cercle de plus d’une centaine de pieds. Seul mon père était encore là, ainsi qu’un serviteur qui venait de lui apporter un long objet enveloppé d’un drap de soie blanche brodée. Le domestique se retira, et Dom vint s’agenouiller devant moi à nouveau, et me tendit son paquet.

          « Un cadeau pour toi, ma très chère fille. »
          J’écartai le tissu.
          Devant moi reposait une magnifique rapière et son fourreau. La garde était d’un métal sombre et mat, et formait une coquille sophistiquée, dont les quillons se croisaient et s’embrassaient en courbes, volutes et arabesques d’une complexité qui n’avait d’égale que la beauté de l’arme. À la base de la garde, sur la lame, de fines gravures dessinaient les lettres de mon prénom, qu’entouraient de nouvelles arabesques qui paraissaient faire la continuité de la garde. L’une d’elles s’étendait le long de la gouttière et serpentait jusqu’au tiers de la lame. La poignée, finement torsadée, était faite d’un métal qui m’était inconnu : lorsque je m’en saisis, ma paume rencontra une surface tiède plutôt que le contact glacé auquel on s’attendrait d’une pièce métallique. À son bout, un fin pommeau gravé en forme de bouton de rose complétait l’œuvre.

          À peine m’en saisis-je que mon père recula, rejeta le drap de soie, et dégaina son épée. Je dégrafai le baudrier de la rapière que je portais à la ceinture jusqu’à présent et y attachai celui de celle qu’on venait de m’offrir. Lorsque je la dégainai à mon tour, la magnifique vibration qu’elle relâcha me fit frissonner. Les quelques moulinets que je fis m’étonnèrent : l’arme était équilibrée à la perfection, parfaitement à ma taille. Elle avait était dessinée et crée pour moi. Je laissai tomber au sol mon ancienne rapière et ma cape, et me mis en garde.

          Notre tradition voulait que le nouveau souverain doive affronter l’ancien dans un duel symbolique, et le remporter, afin de légitimer son accession au pouvoir. Ainsi, par sa victoire, il prouvait qu’il était digne de monter sur le trône et qu’il serait plus efficace que son prédécesseur. Affronter un homme comme mon père ne me rassurait pas néanmoins. Je l’avais vu combattre, et c’était lui qui m’avait enseigné son savoir ces dernières années. Je savais de quoi il était capable. Et son regard dur m’indiquait clairement que contrairement à nos passes d’armes amicales, il avait l’intention d’être sérieux.

 

          En un instant, il fut sur moi et portait un coup de taille à mon épaule. Je brandis mon épée pour parer, et ne bronchai pas. L’impact me sembla créer une petite onde de choc sur les poils du tapis, mais la fine lame de ma rapière ne ploya qu’à peine, malgré sa légèreté. Elle était décidément exceptionnelle, d’autant plus lorsque l’on connaissait les facultés de taille d’Hexalon, l’épée de mon père. De la même manière, contrairement à ce que j’aurais initialement pensé, ma robe ne me gênait aucunement, ce qui me surprit presque davantage.

          Je repoussai son attaque et me fendis de trois estocs suivis d’une taille vers le haut. Il esquiva les trois premiers, et para la quatrième. Néanmoins, ma force de frappe était égale à la sienne, de par nos origines communes, et je poursuivis ma course, le soulevant du sol sous les exclamations du public. Dom répliqua dans une vrille, que j’interrompis en le saisissant au bras et l’attirant à terre. Dans une réception parfaite, il roula sur le sol et frappa mes jambes une fois sur ses pieds. Je sautai et bloquai sa lame du talon. Il la retira d’un coup sec, frappa, et fut dans mon dos l’instant d’après.

          Malgré la violence de ce duel, je savais néanmoins que mon père ne se donnait pas à fond. Il était sérieux mais me ménageait, et cela m’agaçait. Pour l’assemblée, nous n’étions que les éclats de nos lames, tels des éclairs. Nous étions deux Ryalkans et donc, contrairement à beaucoup, plus forts et rapides. Nos coups faisaient vaciller les flammes des torches et bougies, nos parades faisaient vibrer les murs.

          Après deux frappes d’estoc, j’enchaînai avec une rotation rapide sur moi-même qui m’offrit l’opportunité d’une frappe, puis d’une seconde dans l’autre sens. Sa lame fusa vers moi, et j’en vis chaque reflet alors qu’elle passait près de ma joue. Je bloquai de la garde, m’approchai. Je lançai un coup de poing vers son estomac, lui coupai brièvement le souffle en le repoussant. Je reculai mon bras armé, et ma lame parut capter la lumière des flammes. Elle fondit vers lui, et il releva brusquement des yeux écarquillés, un sourire effrayant sur les lèvres. Tête, flanc, épaule, flanc. Avec le son d’une seule parade, il para mes quatre éclairs d’estocs, me laissant sans voix.

          Une attaque verticale me fondit vers le crâne. Je me repris, arborai le même sourire que lui. J’esquivai au dernier moment. J’accompagnai la lame au sol avec la mienne, coinçai sa garde dans les entrelacs de ma coquille, d’un moulinet du poignet, fis pression sur sa main, et son épée s’envola. Alors que je plaçais ma rapière sous sa gorge, je surpris son regard : je l’avais pris au dépourvu. Pour la première fois dans un duel entre nous, j’avais été imprévisible. Je savais qu’il pouvait reprendre l’avantage aisément, mais son sourire me désarma autant que je l’avais fait à l’instant.

          Il abandonnait.

          Il leva les mains au ciel. Saisissant le message, je reculai, encore tremblante et essoufflée. Il clama haut et fort « Mesdames et messieurs, mes amis, mes frères… » Il rattrapa Hexalon au vol, et la remit au fourreau dans le même mouvement qu’il posait le genou au sol. « … votre Reine ! ».

          Un silence de quelques secondes précéda les ovations et exclamations de joie, durant lesquelles je pus observer les mines médusées de l’assistance. Une grande majorité de la salle n’ayant pas vue le duel, les murmures allèrent bon train. Personne n’avait jamais vu un combat pareil, ni vu Dom vaincu de façon si glorieuse.

          Je rengainai ma rapière et le considérai un instant. Il m’avait poussée au-delà de mes limites. Il m’avait provoquée volontairement pour intensifier notre duel encore et encore. Et mon triomphe était total : l’assistance était folle de joie d’avoir assisté à un spectacle si extraordinaire. Dans leur cœur, j’étais devenue leur reine, et ma renommée allait très certainement s’envoler.

          Je m’approchai de lui et lui tendit la main. « Merci, père. Tu viens de faire énormément pour moi, je ne saurais comment te remercier… »
          Il se saisit délicatement de ma paume, comme si j’étais la chose la plus fragile qu’il ait touché de sa vie, et ce contraste avec sa furie combative me surprit. « N’importe quoi pour toi, ma chérie. Tu seras une souveraine extraordinaire, encore meilleure que tous les monarques de Ryalkan, et encore meilleure que ce que j’aurais espéré dans mes rêves les plus fous. Je suis fier de toi. »

          Je m’autorisai un dernier moment de faiblesse avant d’être tout à fait la reine, et je blottis entre ses bras. Il m’enveloppa et, un instant, je pus être une petite fille à nouveau.

 

:book: Chapitre 2 — La valse des dieux

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Bonjour,

 

Et bien, je suis agréablement surpris par la qualité de ce RP, il a su garder mon attention jusqu’à la fin, Dom, il est clair que tu as des talents d'écriture qui méritent d'être soulevés!

En bref, continue comme ça!

 

La Carpe

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Merci ! <3

 

Pour ceux qui auraient eu envie de se lancer dans la lecture de ce chapitre, mais qui n'auraient pas le temps ou l'envie de lire mes anciennes chroniques (qui sont d'une moindre qualité, je le reconnais), j'ai ajouté un résumé chapitre par chapitre de tous les épisodes précédant celui-ci. ;)

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J'applaudis et je m'incline. J'ai notamment été surpris en lisant le passage du duel et je tiens à le souligner, il est très vif et pourtant très "clair", je trouve que c'est une belle démonstration de ton talent d'écriture; bien joué.

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*va voir dom après la cérémonie*

tu as une fille ... comment dire ... enfin ...

Monsieur je suis ici pour vous demander sa main !

*s'incline*

J'ai 20ans , je suis charmant , j'aime votre enfant, donné la moi !

Je suis un bon parti, j'ai derrière moi du prince des rois !

Je paierais vos dettes, si vous en avez, je ferez des fêtes ! Pour vous obliger !

Mais à genoux, je vous implore ! Donné moi votre Seïra car je l'adore !

 

HRP : magnifique ^^ j'adore ... par contre sois j'ai sauté une ligne soit tu as pas nommé ta fille et ta femme ... (perso je comprendrais parfaitement ^^)

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HRP : magnifique ^^ j'adore ... par contre sois j'ai sauté une ligne soit tu as pas nommé ta fille et ta femme ... (perso je comprendrais parfaitement ^^)

 

Le nom de la fille est répété plusieurs fois : "Seïra"  =x

La mère c'est dans les chroniques précédentes, tu le vois dans le résumé : Aïda

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« N’aie crainte, ma fille. Aïda et moi serons là pour t’épauler et te conseiller, au moins dans tes débuts. Tu ne seras pas seule, je t’en fais la promesse. »

La mère c'est dans les chroniques précédentes, tu le vois dans le résumé : Aïda

Pas que dans le résumé, actually. ^^

 

*va voir dom après la cérémonie*

tu as une fille ... comment dire ... enfin ...

Monsieur je suis ici pour vous demander sa main !

*s'incline*

J'ai 20ans , je suis charmant , j'aime votre enfant, donné la moi !

Je suis un bon parti, j'ai derrière moi du prince des rois !

Je paierais vos dettes, si vous en avez, je ferez des fêtes ! Pour vous obliger !

Mais à genoux, je vous implore ! Donné moi votre Seïra car je l'adore !

C'est à elle de voir, pas à moi. Néanmoins, sachez mon bon monsieur que la concurrence risque d'être rude. Et la dame sévère et exigeante.

Et au moindre faux pas, je serais... implacable.

Comprends aussi que sa vie est bien supérieure à la normale. J'ai moi-même plus de trois siècles et encore de longs jours devant moi. C'est un énorme fossé.

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Mon cher monsieur, je comprend que l'on ne force pas l'amour, mais je pense que rien ne m'enpeche si ce n'est vous, de tenter ma chance. Votre age est impressionnant, mais venant moi même d'une contré ou l'age moyen est de 150 ans, je pense pouvoir faire face. Ainsi je pense donc avoir un certain nombre de prérequies ... et pour les autres prétendants, je vous le dis en toute franchise, je pensais les éliminer, mais il se pourrait que son ame soeur soit parmi ces pauvres ames, et je ne veux point privé la fille de votre Seigneurie de sa moitié. Je vous demanderez juste, avant de prendre congé, quelle type de cadeau je pourrai lui offrir étant donné que sa nouvel rapière est déjà fort impréssionnante et aussi si elle n'a aucun problèmùe avec le froid. Sur ceux...

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Tu l'avais dit, et je m'en vois obliger de le reconnaître. Ton rp s'améliore de plus en plus.

Tu n'as pas envie de nous écrire un livre ? Histoire que je l'achète ? =p
J'ai beaucoup apprécié ce dernier chapitre, et je me suis surprise à me dire qu'il était trop court...

Mes yeux sont sans doute pas assez abîmé finalement !

J'ai eu beaucoup de plaisir a suive les aventures de Dom, je pense que celles de Seïra me plairont tout autant, voir plus ! J'ai hâte de voir la suite qui t'a donné tant de mal il y a quelques jours. J'apprécie de plus en plus la famille Fulmen.
Je serais presque curieuse de voir leur réaction face à la petite chose qu'est le petit Mioussy. J'en ris d'avance !
Pimoussy est une blague a lui tout seul, il faut l'avouer ;3

 

Sur ce, je te refais des champibisous et en prime un champihug ! Parce que tu le vaux bien :p

 

A bientôt et que la quadriforce de l'amûre soit avec toi !

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Alors, du coup, merci beaucoup pour tes deux petits commentaires. <3 (Bon, je répond tout ici parce que wala.)

 

Effectivement, vu que tu t'es tapé les sept chapitres précédents, celui-ci est clairement l'un des mieux. x) Sachant que mes précédentes chroniques sont pas un cadeau vu que mon RP chevalier a été écrit avant les chapitres 1-2-3, donc y'a un truc moins bien en plein milieu. Navré pour tes yeux qui ont dû se coltiner ça. x)

 

Tu n'as pas envie de nous écrire un livre ? Histoire que je l'achète ? =p

C'est pas l'envie qui m'en manque, et si j'en ai la possibilité un jour je le ferais sans hésiter. :P

 

Sinon, bah écoute, je suis certain que la famille Fulmen t'appréciera beaucoup, et je suis certain que l'on aura moyen de travailler tous les deux pour organiser une rencontre. ;)

 

Et, pour toi comme pour le reste de mes petits lecteurs adorés, sachez que le chapitre 2 est en route, j'ai beaucoup galéré sur un certain passage, et là j'attends juste de finir le passage que je fais en commun avec l'ami Ciel et ça arrivera. :3

 

Voilà voilààààà. Du coup encore merci pour ton avis et ton soutien, ça compte beaucoup pour moi. :3

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Salutations, chers amis et lecteurs !

 

J'ai finalement réussi à trouver le temps de terminer mon second chapitre, que j'avais en chantier depuis un petit moment déjà. Si vous souhaitez retrouver les aventures de Seïra, donc, c'est bien ici que ça se passe. ;)

À titre informatif, toutes les scènes avec l'ami CielNoir ont été écrites en commun avec lui,à base de répliques interposées. Ce que vous lirez donc est ma version et la vision de Seïra de ces passages, et vous pourrez sans doute un jour retrouver sa version des évènements dans ses RP. ^^

 

Je vous laisse donc apprécier ! Petit disclaimer tout de même : pensez bien à aller nourrir votre poisson rouge avant de vous lancer. On sait jamais (coucou Zov). :3

 

Bonne lecture !

 

 

:book: Chapitre 2 — La valse des dieux

 

          Trop. Trop, toujours trop, beaucoup trop.
          J’étais à une compétition de chasse, étais censée ramener le plus beau ou gros gibier, et j’avais l’impression qu’une foule me suivait, faisant trop, encore et toujours trop de bruit. Mon adversaire était un monarque voisin en visite, et je n’entendais pas me faire ridiculiser sur mes propres terres. Mon seul réconfort était qu’il avait une suite similaire  pour l’accompagner, et serait donc tout autant désavantagé que moi. J’ignorais qui avait bien eu l’idée d’une tradition aussi stupide, mais il n’avait très certainement aucun talent de chasseur. Un concours de chasse, pourquoi pas. Mais avec une troupe pareille ?
          Je décidai de presser un peu le pas et prendre un peu d’avance, dans l’espoir qu’une proie n’ait toujours pas fui. Au-dessus de moi, le spectre de mon père passait de branche en branche, invisible pour tous. Une fois que j’acquis une distance conséquente, assez pour confiner les discussions au rang de lointains murmures, j’observai les alentours. Il faisait encore à peine jour, donc j’avais encore une chance. Sur ma gauche, je reconnus le souverain d’Invahr, notre plus proche voisin de l’ouest, qui bandait son arc. En contrebas se trouvait un renard argenté. Je décidai de tenter ma chance avant lui, tendis mon arc et décochai en un éclair.
          À l’instant où ma corde fouettait l’air, quelqu’un s’exclama : « Regardez, là-bas ! ». Le renard prit la fuite, et ma flèche se ficha dans le sol. Étant seule, je lâchai un juron, et me relevai pour voir quel était l’idiot qui avait fait fuir ma proie. Juste à temps, j’aperçus un mouvement entre les arbres, dans la direction que pointait l’imprudent. Un cerf, noir comme la nuit, plus rare dans ces bois que l’eau dans un désert. J’inspirai et encochai une nouvelle flèche. J’expirai, changeai ma visée au dernier moment et décochai. Sifflement. Sang. Chute. Sous les exclamations de surprise, je m’élançai.
          Ma proie se trouvait non loin de là où je l’avais vue tomber. Ma flèche avait traversé un œil pour ressortir par l’autre. La bête semblait paisible. Mais… mais quelque chose n’allait pas. Un sentiment de profonde gêne me prit. Je me sentais épiée. Mon père sauta au sol, à mes côtés. Son air assassin confirma mon impression. Son épée était tirée. Il jeta un œil à mon trophée.
          « La dernière fois que j’ai vu une créature noire, le démon qui m’avait volé ma famille n’était pas loin. » Il n’était pas paniqué, c’était un simple constat. Il m’avait parlé de cette créature née de la corruption. Elle n’était pas semblable à ça. C’était un véritable cerf, à qui j’avais ôté la vie, cela ne faisait aucun doute. Mais, alors, qu’est-ce qui n’allait pas ? Qu’est-ce qui n’était pas à sa place ? Qu’est-ce qui était… différent ?
          La vérité me frappa, et j’eus un haut le cœur. « Il n’y a plus aucun son. » murmurais-je, comme si le fait de prononcer ces mots allait provoquer une catastrophe. Tous mes suivants, les sons de la forêt, tout était étouffé. Mon propre cœur et ma propre respiration me parurent alors comme une cacophonie immense. Mon père acquiesça. Je lus à son regard qu’il scrutait tout, écoutait tout. Son esprit n’avait plus qu’un seul but : me protéger. Je dégainai également ma lame, laissant vibrer la lame telle une provocation.
          L’attaque vint des arbres. Une gigantesque claymore s’abattit vers mon crâne, parée par Dom bien avant que j’eusse esquissé le moindre geste. Du même temps vinrent trois flèches que j’expédiai vers le sol de trois rapides coups. Le tireur renonça bien vite et se précipita vers moi. Son visage m’était familier. Au corps à corps, alors que je déviai son estoc, je le reconnus : c’était le le roi d’Invahr, les yeux vitreux. Je le repoussai. « Ne les tue pas. » ordonnais-je. Mon père hocha la tête.
          Le prochain coup de taille de mon adversaire fut le dernier. Je l’esquivai, et saisit son poignet, que je tordis dans un angle fort peu naturel pour l’articulation. Prenant de l’élan, je donnai au monarque une magistrale gifle qui lui coupa le souffle. Moins subtil, je remarquai que mon père avait marqué son opposant – qui s’avérait être le duc d’une de nos provinces – d’un formidable crochet qui lui avait fendu la lèvre. Les deux étaient sonnés, mais en vie. Les sons revinrent.
          « Roi Qel ? m’enquis-je.
          — Que… s’est-il passé.. ? J’étais…
          — Tout va bien, messire. Avez-vous souvenir de quoi que ce soit ? »
          Il fronça les sourcils et réfléchit quelques instants. « J’étais sur les traces d’un sanglier, et… » Il écarquilla les yeux et tenta de se relever. « Je… Je vous ai attaqué ? J’ai le sentiment de vous avoir attaqué ! Par tous les dieux ! » Il me fixa, l’air blafard. « Comptez-vous nous déclarer la guerre ?
          — Ne soyez pas ridicule, messire – avec tout le respect que je vous dois. Vous n’étiez pas vous-même, pas plus que ce pauvre homme. Néanmoins, c’est bel et bien une guerre que quelqu’un cherche à déclencher. Ne leur offrons pas ce plaisir, voulez-vous ? »           Il hocha la tête. « Bien. Nous allons vous ramener à la forteresse. Le soleil se lève et le gibier ne tardera pas à être trop rare, de toute manière. »
          Un regard m’apprit que le duc n’avait pas été plus bavard. Un signe de ma part, et un sort de Dom endormit les deux hommes. J’adossai Qel à un arbre et époussetai ma jupe.
          « Une idée ? » Question rhétorique, bien entendu, mais je voulais entendre son raisonnement.
          « Oui, comme tu t’en doutes, acquiesça-t-il. Sans nul doute, Xhuul et Mnuul ont décidé d’agir suite à la chute de Khalog. J’essaierai d’en savoir plus une fois de retour au château, mon réseau devrait avoir des pistes à exploiter. »
          Je rengainai ma rapière et croisai les bras. C’était à prévoir. Les pays de l’est avaient une rancune ancestrale envers Ryalkan, qui les aurait dépossédés des meilleures terres. Mon père étant sur le trône et redouté grâce à sa réputation n’avait pas été inquiété. Mais j’étais une cible de choix – à leurs yeux du moins.
          Je regardai les trois corps. « Tu peux porter ces deux-là ? m’enquis-je en désignant le duc et le cerf. Je m’occupe du roi. »
          Mon père confirma. Il attacha les pattes de la bête avec une bande de cuir et les passa sur ses épaules, puis se saisit du duc. Je m’emparai de Qel et le jetai sur mon épaule. Nous retrouvâmes les groupes de suivants sous peu, et sous de grandes exclamations de surprise, de joie, de peur, de colère. Je leur déclarai que les deux nobles, trop pressés de prendre en chasse une même proie, avaient fait une mauvaise chute. Ils étaient inconscients, mais en bonne santé. Le soleil levant nous chauffait le dos. Ce serait malgré tout une belle journée.

          —————

          Trois coups furent frappés à la porte. « Entre. »
          Ma mère me tressait les cheveux au niveau des tempes, mais elle se retourna le temps d’accorder un sourire à mon père. Du miroir, je vis qu’il s’adossa sur le mur, attendant que je prenne la parole. « Quelles sont les nouvelles ?
          — Inexistantes, et c’est bien le problème. Mes hommes en Chuul et Mnuul auraient dû répondre à mes appels, mais rien. Soit mes messages sont interceptés, ce qui est mauvais, soit ils ont été découverts, capturés, ou pire, ce qui est plus que mauvais.
          — Nous n’avons donc aucun moyen de découvrir si l’attaque venait bien d’eux. Qu’as-tu à proposer ?
          — Je pourrais envoyer d’autres hommes, mais… » Il secoua la tête. « Je doute qu’ils fassent mieux. Quoi qu’il se passe, j’ai le sentiment que c’est devenu hors de portée de simples humains. Ça me fait mal de l’admettre, mais il va falloir que je m’y rende moi-même. Je sais que tu n’as pas envie de m’y envoyer, et je n’ai pas envie de te laisser sans protection, mais rester dans l’ombre me paraît plus dangereux encore… »
          Je fronçai les sourcils. Autant que possible, j’avais décidé d’éviter d’utiliser mon père. J’avais le sentiment que ça n’aurait fait qu’empirer la situation. Il avait une réputation trop présente, et s’était fait trop d’ennemis. Mais c’était le seul Ryalkan formé à une telle tâche. Je me mordis la lèvre de frustration.
          « Très bien, dis-je. Mais prends garde à ne pas attirer l’attention. C’est très certainement un piège.
          — Bien évidemment. » Il s’avança vers moi. Ma mère venait de terminer les tresses et les attachait à l’arrière de ma tête avec un ruban noir. Il me tendit un petit paquet de tissu. « Tiens. C’est un peu archaïque, mais j’ai jeté un petit sort qui nous permettra de communiquer basiquement à distance. Nous ne pourrons pas avoir de longues discussions non plus, juste nous envoyer quelques sentiments basiques, mais si tu es en danger je le saurais, et je pourrais revenir aussi vite que possible par un portail. »
          Je hochai la tête. « Quand pars-tu ?
          — De suite. Je ne veux pas laisser traîner l’affaire. De plus, tu seras loin d’être seule ce soir, c’est le meilleur moment.
          — Va. Je peux largement me débrouiller seule. Et quand tu reviendras, nous commencerons mes leçons de magie, si tu veux bien.
          — Avec plaisir. »

          Il sortit de la pièce, et j’entendis le son d’un portail s’ouvrir et se fermer. Dans le paquet se trouvait une fine chevalière argentée, aux reflets sombres, dans laquelle était enchâssée un schorl mat. Les entrelacs et arabesques de la bague se mêlaient et se croisaient au-dessus de la pierre. Je la passai à mon majeur gauche, fermai et ouvrai plusieurs fois la main. Elle m’allait parfaitement, ne bougeait pas. Le lien fut établi, et je ressentis le sentiment de satisfaction de mon père par son biais.
          Satisfaite, je me levai, et fis un tour devant le miroir. Je m’emparai de ma rapière, l’attachai à ma ceinture, et sortis.

          —————

          « Votre altesse ! »
          Je me retournai.
          Un page accourait. « Votre altesse, votre invité est en train de reprendre connaissance. Je viens donc vous chercher, comme vous l’avez demandé. »
          Je jetai un coup d’œil par la fenêtre. J’aurais dû être aux préparatifs de la soirée, mais c’était plus important. « Merci. Va à la salle du trône et préviens-les que j’aurai un peu de retard.
          — Bien majesté ! »
          Le petit s’en fut un trottant dans les couloirs, et je suivis le chemin depuis lequel il venait. Quelques corridors et beaucoup de portes plus loin, je parvins devant celle que je cherchais. Sans prendre la peine de frapper, je poussai tout doucement le battant et passai la tête à l’intérieur, puis entrai. Allongé sur le lit, Ciel gémissait, fronçant les sourcils et se débattant mollement sous les draps, alors qu’il reprenait conscience. Il laissa se fendre ses paupières, et ses yeux voguèrent au hasard quelques secondes avant de se poser sur moi. J'aurais presque pu suivre ses pensées : où était-il, pourquoi était-il dans un lit, et dans une chambre si bien arrangée, pourquoi était-il là, que s'était-il passé, combien de temps avait-il dormi ?
          « Où suis-je ? demanda-t-il, égaré.
          — Tu es à Ryalkan, dans une des chambres de la Forteresse. Compte tenu des évènements, je voulais que tu puisses récupérer au calme.
          Il me regarda quelques secondes. Joie ? Reconnaissance ? J'eus du mal à discerner les nuances de son regard tant elles étaient noyées dans un brouillard de fatigue. Il ferma les yeux, sourcils froncés, durant quelques seconds où il prit de profondes inspirations. Il reporta encore une fois son regard sur moi. Inquiétude. « Combien de temps ai-je dormi ? » dit-il sans conviction.
          Je réfléchis quelques secondes. « Le temps entre Stendel et Ryalkan s'écoule de manière complexe. Ici, tu as dormi quelques heures : nous étions en fin de matinée à notre arrivée, et nous sommes presque le soir maintenant. Là-bas, je pense que seules quelques minutes se sont passées, une heure ou deux tout au plus. » Devant son regard perplexe, je haussai les épaules. « L'écart a toujours été étrange. Ici, il s'est passé dix-sept années avant que mon père ne revienne. Pour lui, plus d'un siècle. Fort heureusement, pour le moment du moins, la différence entre nos deux plans, temporellement, se réduit de manière drastique, et ne varie que peu d’un côté ou de l’autre. » Il se contenta de hocher la tête. Je poursuivis. « Lorsque tu as perdu connaissance, une statue de glace est apparue, apparemment remontée contre le musicien. Nous t'avons ramené ici pour que tu puisses reprendre des forces en paix, et mon père est de suite reparti pour vérifier que le problème soit bien géré. Il est revenu il y a quelques minutes, plus ou moins au moment où tu as commencé à reprendre connaissance. Je suppose donc que tout est bien allé là-bas. » Je le laissai assimiler les informations, qui semblèrent néanmoins le rassurer.
          Il avait cependant l'air perplexe. C'était logique, vu l'illogisme apparent de certains faits. Il regarda légèrement sur ma droite. « Pourquoi m'avoir amené ici ? »
          Je fronçai les sourcils. J'avançai de quelques pas, faisant volontairement claquer mes talons. Ses yeux revinrent instantanément vers moi, mais restaient hésitants. Je haussai les épaules. « Tu étais inconscient, mal en point, tu avais abusé de tes pouvoirs et n'avais plus d'énergie... et je n'étais pas sûre des intentions de ce musicien. J'ai préféré t'amener là où il aurait le plus de mal à te suivre, au cas où. » Je me saisis d'une chaise et m'assis aux côtés du lit. « Et puis... Je l'avoue, je voulais aussi pouvoir te parler sans que l'on soit dérangé. À propos de ce dont j'ai parlé sur le pont. Tu n'as jamais eu l'occasion de vraiment me répondre. »
          Il chercha ses mots quelques secondes, puis soupira brièvement avant de se lancer. « ll y a longtemps j’avais vu à un bal une princesse aux cheveux châtain avec des reflets dorés parés d’un ruban… Elle était magnifique, pendant plusieurs années je me suis mis à sa recherche tellement elle m’avait troublé. Aucune piste ne m’avait mené bien loin, jusqu’à ce que la dernière me mène jusqu’à ton couronnement. Jusqu’au moment où tu es rentré dans la salle je ne pensais plus te trouver, puis tu es arrivée et j’ai revu celle qui hantait mes nuits depuis le jour où je suis devenu aveugle. Comment te dire que même si je ne t’avais vu qu’une fois j’avais l’impression de t’avoir connu pendant une vie entière ? »
          Je regardai mes bottes de longs instants sans savoir que dire. Je remerciai intérieurement ma mère pour son éducation alors que je cherchais mes mots, soigneusement, pensant bien le sens de chacun. « Un bal est organisé, ce soir, dans la grand-salle de la forteresse. Tu y seras le bienvenu, si tu le souhaites. Nous aurons sans doute l'occasion de parler lors de cette occasion. Ou dans les jours qui suivent. » J'hésitai quelques instants, me mordis la lèvre, puis haussai les épaules mentalement. « Avant quoi que ce soit, nous devrions chercher à nous connaître. Savoir mon histoire n'est pas si compliqué : je suis la Reine de Ryalkan, et on parle de moi au coin de chaque couloir. Mais de toi, j'ignore tout ou presque. »
          Je repensai au soir où je l'avais vu accourir, l'œil paniqué, examinant tous les invités, le manteau chargé d'armes. Quelque chose avait changé depuis cette époque, mais quoi ?
          Il s'assit sur le lit, pour parler plus confortablement. « Je suis Ciel de la famille Black dont je suis le dernier représentant vivant. Comme je suis né durant une nuit sans lune et sans étoile, mes rares amis me surnomment Ciel Noir. Mes ennemis, eux, me nomment le diable blanc du fait de mon style de combat. Je ne sais pas exactement ce que tu veux savoir de moi... »
          Le diable blanc... Je fronçai les sourcils et plongeai mon regard au fond du sien. Quelque chose me perturbait, mais quoi... « Qui sont ces deux... ? » Un intuition. Une forte impression qui me venait à la vue de ses yeux laiteux. Associé à son évasion d'un cachot impérial... Mon cerveau tentait de faire des liens que ma raison réprouvait. Je balayai l'air de la main. « Oublie. » Je me levai. « Comme tu dis, nous en parlerons lors du bal. Le devoir m'appelle. Tu trouveras des tenues adaptées à la soirée qui s'annonce dans le coffre au pied du lit, et le nécessaire à toutes les commodités que tu puisses requérir, si jamais tu penses en avoir besoin. » Je lissai les volants de ma robe d'un air distrait. « Sauf si tu as quelque chose à rajouter, je vais te laisser te reposer encore un peu et te préparer. »
          Il garda le silence. Je me dirigeai vers la porte, l'entrouvris, puis m'arrêtai. « On approche des dix-huit heures, et le bal ouvrira à vingt. J'enverrai un valet pour t'escorter et t'aider si besoin. » Je sortis et refermai la porte.

          —————

 

          Je m’avançai au centre de la pièce ; Qel fit de même. Une trompette commença la mélodie sur notre rencontre, accompagna notre révérence. Encore un pas. Je plaçai ma main à son épaule, sa main vint au creux de mes reins. Cuivres, cordes et vents se lancèrent dans un air entrainant, et nous partîmes en tours et détours. Un deux trois, un deux trois, un deux trois. Une grande partie des convives nous rejoignirent dans nos tourbillons. Profitant de ma proximité physique avec le roi, je m’approchai légèrement de son oreille. « Vous n’avez pas l’air bien. » Il m’offrit son premier regard ailleurs que sur le sol de la soirée, mais celui-ci était empli de peur. Je lui offris un sourire qui le désarma comme je le voulais.
          Il regarda les convives quelques instants, puis revint sur moi. « Me pardonnerez-vous un jour ? L’amitié est naissante entre nos peuples. » L’inquiétude sur son visage était flagrante.
          « Ne vous inquiétez pas, Qel. Vous avez été ensorcelé, et je sais parfaitement que vous n’y êtes pour rien. À vrai dire, c’est ma gifle qui vous a le plus blessé dans l’histoire.
          — J’espère que vous dites vrai. J’ai peur de ne plus me contrôler à nouveau et de, cette fois, vraiment blesser quelqu’un.
          — Ça m’étonnerait que ça arrive. Qui que ce soit, ils ont essayé comme ça, mais me savent à présent en pleine santé et sur mes gardes. Ils changeront probablement de méthode. » Je haussai les épaules. « Et puis, oubliez un peu tout ça. Je ne vous en veux pas, rien d’autre n’arrivera par votre faute, et pour l’instant vous ne faites que causer du souci aux autres invités. Vous avez une mine à faire passer des funérailles pour un mariage. » Nouveau sourire.
          Il soupira. Et me le rendit timidement. « Vous avez raison. Veuillez me pardonner.
          — Vous êtes tout excusé. »
          J’observais quelques instants ce jeune homme, tournant avec moi dans sa livrée sombre aux tons orangés. Il n’avait été propulsé dans les affres du pouvoir que peu d’années avant moi. Sa dévotion aux valeurs me plaisait, même s’il prenait toute cette affaire trop à cœur. Alors même que je commençais à avoir des vertiges à force de tourner, la musique ralentit, ralentit, puis comme si le temps s’était arrêté, nous la suivîmes dans sa lente agonie, et restâmes quelques instants immobiles, essoufflés, avant de saluer la foule.           Les applaudissements de centaines de personnes suivirent. Tous voulaient voir l’ouverture de la première danse par la Reine et son invité. Ils avaient été servis. Cette formalité faite, je saluai mon partenaire, et allai me mêler aux invités, ne souhaitant pas retourner tournoyer de suite.
          Aussitôt, alors qu’un piano faisait l’introduction d’un nouveau morceau et que les danseurs retournaient en piste, une horde se plaça à portée de moi. Chacun espérait gagner mes faveurs, souhaitaient une aide de la couronne ou visait à écouter tout ou partie de ces conversations. Un peu plus loin, en périphérie, j’aperçus Ciel, l’air un peu égaré. Il ne connaissait probablement personne d’autre que moi, et je n’étais pas certaine qu’il ait complètement recouvré la vue. Je me promis de le rejoindre au plus vite, mais je devais d’abord me débarrasser sans les vexer de toutes ces gens qui m’entouraient. La chose était d’autant plus difficile qu’une grande partie d’entre eux portaient des masques pour la soirée, et il me fallait éviter les maladresses avec leurs noms.
          « Ma Reine, fit l’un d’entre eux en s’inclinant, avez-vous considéré ma requête de faire la connaissance de mon fils Wal ? Vous vous entendriez à merveille ! »
          Wal… Je me souvenais de lui. Un jeune noble trop gâté et aussi vif d’esprit qu’une mouche. Si je devais un jour me marier, ce ne serait certainement pas avec lui. Néanmoins, son père essayait de lui passer l’alliance au doigt afin de lui assurer une condition à laquelle son intelligence lui interdisait l’accès.  Je souris. « Je m’en souviens, comte ‘Snii, et j’essaierai de trouver un moment pour lui parler.
          — Pourquoi pas maintenant, en ce cas ? Il doit bien être quelque part alentours, si vous voulez bien me suivre. »
          Je n’en avais, au contraire, aucune envie, mais il valait mieux que je laisse son fils se montrer maladroit – ce qu’il ferait sans aucun doute –  afin de légitime mon désintérêt pour lui auprès de son père. Nous approchâmes de lui, et le comte nous présenta avant de s’éloigner, observant son rejeton du coin de l’œil. Alors qu’une servante passait, j’attrapai un verre de vin sur son plateau, et en bus une rasade pour me donner du courage.
          « C’est donc vous, la reine. » Silence.
          « En effet. » fis-je, aussi bavarde que lui. Il m’énervait déjà.
          « Ravi de vous rencontrer. » Courbette maladroite. Quelques jeunes filles d’environ mon âge gloussèrent non loin, mais s’il les entendit, il n’en fit pas signe. L’une d’elle me murmura un « Courage ! » en accentuant les mouvements de ses lèvres pour que je puisse lire son encouragement. Je fermai les yeux, pinçai les lèvres d’un air gêné et inclinai légèrement la tête à son encontre. Comprenant mon remerciement pour sa sollicitude, elle sourit radieusement et se retourna vers ses amies. Wal releva la tête et reprit. « Mon père dit que vous êtes la plus grande femme de notre temps. » Il me considéra des pieds à la tête d’une manière très dérangeante, et eut un sourire idiot. « Mais vous n’êtes pas si grande que ça. »
          Je manquai de me frapper le front de la paume de désespoir, mais parvint à conserver mon calme souverain, impassible. « En effet, répondis-je à nouveau.
          — Saviez-vous que mon père possède la sixième plus grande fortune du pays ?
          — Je l’ignorais, fis-je – j’étais parfaitement au courant.
          — C’est moi qui en hériterais un jour ! » fit-il avec fierté.

          J’ignore si son père l’entendit ou s’il vit mon air dépité sous mon masque d’indifférence, mais il commença à sautiller d’un pied à l’autre, l’air gêné. Alors que Wal et moi ouvrions la bouche – lui pour énoncer une autre banalité et moi pour inventer une excuse et me tirer de cette situation gênante – la musique s’acheva et un inconnu surgit entre lui et moi.
          « Ma Reine, messire ‘Snii, je vous souhaite le bonsoir. » À nouveau, nous nous apprêtâmes à répondre, mais il poursuivit comme s’il n’attendait aucune salutation en retour. « Pourrais-je inviter ma Reine à la prochaine danse ? Voilà si longtemps que ces quelques pas me sont promis ! » Ce n’était pas le cas, bien sûr, mais il voulait me sauver de ce mauvais pas. N’attendant pas plus de réponse, il se tourna vers Wal. « J’espère que ça ne vous dérange pas, mon brave, n’est-ce pas ? Non ? Très bien, l’affaire est entendue alors ! » Et sans que j’aie dit un mot, il me prit délicatement la main et m’entraîna ; j’eus à peine le temps de déposer mon verre sur le plateau d’un garçon de cuisine qui passait là. Puis il se retourna brusquement et, emportée par mon élan, je manquai de perdre l’équilibre ; il plaça une main dans mon dos et m’emporta dans une valse à l’instant même où les musiciens reprenaient.
          Quelques instants, je le laissai mener la danse et l’examinai. Ses longs cheveux d’ébène, attachés en queue, encadraient par quelques mèches un visage couvert d’un masque de renard argenté. Ce dernier contrastait avec son pourpoint entièrement noir, comme le reste de sa tenue. Néanmoins, de légers changements de texture décoraient l’ensemble et lui donnaient toute son élégance. Je ne voyais donc que son sourire avenant et ses yeux d’un bleu profond, presque mauves. « Qui êtes-vous ? fis-je enfin.
          — Quelle importance ? » Sa voix m’évoquait le sourd vrombissement d’un fort vent d’hiver. « Me le demandez-vous en tant que Reine, ou amicalement ?
          — J’aimerais évider d’avoir à user de mon autorité.
          — Je pense aussi. »
          Quelque chose m’intrigua, et je mis quelques secondes à mettre le doigt dessus. « Vous êtes Ryalkan ! »
          Ses épaules se soulevèrent sous ma main. « Comme nous tous ici. Ou presque.
          — Vous m’avez très bien compris, je ne parlais pas de ça.
          — En effet, oui. » Son regard amusé m’absorba. Il soutenait le mien d’un air de défi : celui de lire en lui, si j’en étais capable. Mais il y avait autre chose, qui y prenait naissance.
          « Dans tous les cas, merci de m’avoir sorti de ce mauvais pas tout à l’heure. Fis-je en souriant de la manière la plus charmante possible. Vous êtes excellent danseur. » Je plissai imperceptiblement les yeux. « Sans doute aussi bon que bretteur. » Il faillit parler, mais se ravisa. Je tentai, hésitante. « Quelque chose ne va pas ? »
          Il regarda dans le vague quelques instants. Lorsqu’il revint de sa réflexion, j’identifiai la lueur dans le regard qu’il posa sur moi. « Avez-vous déjà tout perdu ?
          — Oui, en effet, avant même ma naissance. Néanmoins, ce souvent lorsque l’on retrouve ce que l’on a perdu que l’on se rend compte du trou qui était laissé dans nos vies, je pense. » Il hocha la tête. « Est-ce pour cela que vous êtes si triste ?
          — Après tout, qu’y puis-je ? » murmura-t-il, comme résigné. Je sus qu’il avait pris une décision.
          La valse s’intensifia, et invita les danseurs à oser faire plus que tourner encore et toujours. C’est ce que nous fîmes. Sans rien ajouter de plus, sa main gauche quitta mon épaule, et nous écartâmes les bras, côte à côte, comme nous offrant au monde. À son retour, un éclair. J’attrapai sa main et serrai les doigts. Son regard était aussi froid et acéré que l’acier de la fine aiguille qu’il tenait, même s’il me donnait l’impression d’être émoussé. Son arme aurait pu me donner une hémorragie aussi significative qu’invisible pour moi, avec mon corset. Il voulait danser, nous danserions.
          Je pris la direction de notre valse et effectuai le mouvement inverse que précédemment. Dans l’opération, je vrillai sa paume. Il lâcha l’arme sous la torsion. Je m’enroulai autour de nos bras, et fus dos à lui. J’envoyai mon coude dans son estomac avant qu’il n’ait esquissé un geste. Je me retournai en portant la main à ma rapière, n’en tirai qu’un pouce. Il était sur moi, et sa main bloqua ma lame au fourreau. Sans plus d’effort, tout en la maintenant, il me souleva du sol en tournoyant. J’écartai les bras pour essayer de me libérer, mais il suivit le mouvement, me maintenant les mains. D’un coup sec, il lâcha ma main droite pour sortir une nouvelle aiguille. J’effectuai une vrille et me saisis de son autre main. Je passai dans son dos en poursuivant mon élan J’étais dos à lui. J’agrippai sa main armée de ma main libre. Je la tordis. La pointe tomba. Suite de mon mouvement. J’étais face à lui, maintenais ses bras. Il se servit de mon élan. Un croche-patte, mais il me retint. La dernière note retentit.
          Pourquoi ne tentait-il pas de nouvelle attaque ? Pourquoi avait-il les yeux humides ? Nous étions deux âmes immobiles au milieu d’une marée mouvante, qui peinait à retrouver le calme après un après-midi tempétueux. Notre danse n’était qu’une danse parmi d’autres, et elle n’avait eu l’air que de ça. Cet homme qui venait d’essayer de me tuer, pourquoi avait-il pris le temps de parler autant avec moi ? Pourquoi avait-il renoncé ?
          Il se pencha d’avantage, et approcha ses lèvres de mon oreille. « D’autres comme moi viendront. Restez sur vos gardes. Je vous en conjure. » Il marqua une pause et s’écarta légèrement. « Vous me reverrez. » Et, de manière si fugace et furtive que personne ne s’en aperçut, il déposa un baiser si léger sur mes lèvres qu’il les effleura à peine. Il me prit la main, me releva, et s’enfonça dans la foule, et disparut ainsi.

          Je secouai la tête et me faufilai jusqu’à une table, bien décidée à ne pas y penser de suite. J’y trouvais ce que je recherchais : je vidai deux verres de vin, et soupirai. J’étais encore essoufflée, et je pris quelques secondes pour essayer de maîtriser ma respiration rapide et mon cœur toujours en pleine course.
          « Bonsoir, Seïra. »
          Je sursautai. C’était Ciel. Je sentis le rouge me monter aux joues, et je tentai de me persuader que c’était à cause de l’alcool et de l’effort de la danse. « Bonsoir, Ciel, dis-je enfin ; je me raclai la gorge. La soirée te plait ? » Je ne sus qu’ajouter. De dépit, je me saisis d’un troisième verre et y trempai les lèvres. Je fermai les yeux et prit quelques secondes pour me reprendre, au cours desquelles il me répondit.
          « Je n'y vois encore que très peu, mais vos musiciens ont un certain talent.
          — Quelle est l'origine de ce phénomène qui te fait perdre la vue ? Est-ce lié à ces... deux choses ? dans tes yeux ? » Je marquai une petite pause, peu sûre de moi. « Je te demande de m'excuser si je dis des bêtises, je n'arrive pas très bien à cerner l'impression que j'aie à ce propos... Est-ce que tu accepterais de m'en parler un peu plus ? » Je m'avançai légèrement vers le balcon, l'invitant à me suivre s'il le souhaitait. Il m’accompagna.
          « Mes pouvoirs se sont manifestés quand j’ai perdu la vue. Des forces intangibles me permettent de la recouvrer par moment, mais l’abus de ces pouvoirs me l’enlève à nouveau. J’avoue ne pas en savoir énormément plus que toi maintenant.
          — Ces "forces intangibles", j'ai l'impression que c'est ce dont je parle. » Je m'accoudai au balcon, et profitai un instant de l'air frais. Lorsque je le regardai, j'eus l'impression qu'il me voyait, malgré ses yeux aveugles. « Excuse-moi d'être curieuse. Tu restes bien mystérieux, compte tenu de ce que tout ce que tu m'as dit, de la façon dont tu me vois, et ça m'intrigue. » Je me redressai. « Viens, allons danser. Ne te préoccupe pas de ta vue, je mènerai. Et peu importe ce que tu veux ou non me raconter pendant ce temps, je te laisse décider de ça. » Je l'entraînai à l'intérieur. Nous rejoignîmes les danseurs et débutâmes notre ronde parmi eux. J'avais la tête ailleurs, et j'avais le sentiment que mon regard était attiré par tout et tout le monde ; néanmoins, j'essayai autant que possible de ne pas trop y penser. Je gardai le silence, et il fit de même.
          Une idée folle me traversa l'esprit, accompagnée d'un sourire espiègle. « Tu joues très bien du violon, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que tu aimes faire d'autre ? Un jeu, une occupation de ton enfance, peut-être ?
          — Mon enfance, c'est la fuite d'un pays en guerre, la mort de mes parents sur la route de l'exil et un nouveaux pays hostile dans lequel j'ai dû m'intégrer, tout ce que j'ai à me souvenir de cette époque se sont les deux pales figures de glaces de mes parents. J'aime les glaces et les secrets et dans ces deux cas je m'applique à trouver tous leurs aspects. » Même si je n’avais pas pensé aborder ce genre de sujet, il l’avait pris sur la défensive. Il dut s’en apercevoir vu qu’il se radoucit légèrement. « Et j'aime le froid, la glace, la neige, elle ne te trahira et ne te brûleras jamais.
          J'inclinai la tête, l'air compatissant. « Ces pays, où se trouvent-ils ? »
          Il mit de longues minutes avant de répondre, durant lesquelles je fis quelques signes à la volée à certains danseurs. C'était dur, mais je savais que ça lui ferait du bien d'en parler. La musique s'arrêta et je l'entraînai marcher dans les jardins à l'arrière du palais. J'avais une petite surprise à lui faire là-bas. Alors que nous sortions, je sentis comme une légère vibration à mon majeur. Soulagement, perplexité, bonheur. Je levai les yeux vers la forteresse. Visiblement, mon père venait de rentrer et tout s'était bien passé. Ce sentiment de perplexité était-il dû à ma balade avec Ciel ?
          À l'instant où je me posais la question, il prit la parole. « Le pays d’où je viens se trouvait au Nord. Un pays connu pour ses monuments et ses techniques. Nous maitrisions la créations d'un acier inaltérable et dont les lames restaient à jamais aiguisées comme des rasoirs. Le climat était froid, mais de grands feux de forêts arrivaient souvent. Pour ce problème bien connu nous avons créé les tenues portant couramment le nom de peau de dragon, ignifugées et indestructibles. J'ai toujours celle de mon père, je suis venu avec d'ailleurs. Mais de telles tenues ne sauvent pas tout... » Il remonta sa manche, révélant une cicatrice. Les soigneurs m'en avaient parlé. Ils étaient surpris qu'il ait encore l'usage de sa main. « Un accident... Je suis insensible sur toute la zone, mais ce n'est pas si embêtant que ça. »
          Il sourit sans trop y croire lui-même. Je hochai la tête. « Je ferai en sorte que tu voies mon père. Il pourra peut-être arranger ça. » Il s’apprêtait à protester ; je poursuivis, lui coupant l'herbe sous le pied. « Et pas question de dire non. Idem pour tes yeux. C'est bien beau d'avoir des pouvoirs, mais s'il peut y faire quelque chose, il le fera. »
          Alors que je lui plaquai un doigt sur les lèvres pour l'empêcher de répliquer, nous parvînmes à une sorte de petit kiosque végétal, taillé dans les haies et les arbres des jardins. Une petite dizaine de personnes, sur des bancs, nous attendaient. Je leur fit un signe de la tête. « Mes amis, je vous présente messire Ciel, de la famille Black. Ciel, je te présente mes plus proches amis et suivants de la cour. Je me suis dit qu'il serait dommage que vous ne partagiez pas vos donc avec nous. À cette occasion... » Je désignai une petite estrade improvisée, dont faisait guise une grande pierre plate. Sur celle-ci reposait un petit pied de bois noir, sur lequel reposait un violon de glace opaque, subtilement veinée de bleu roi et de mauve sombre, ainsi que son archet identiquement gelé. « ... je me suis permis de vous faire un cadeau. J'espère que vous nous ferez l'honneur de l'essayer. »
          Sans trop chercher à cacher mon air malicieux, j'observai le jeune homme faire le tri dans ses émotions. Au final, le brin imperceptible de contentement qui se tissa derrière son visage fut ce qu'il demeura de ma surprise. Il avait beau garder son sérieux, la fine et complexe contraction de muscles de ses pommettes et de ses yeux, ébauche d'un sourire, ne trompait pas. Satisfaite de mes manigances, je le vis s'approcher de la pierre sans un mot, et y grimper, s'emparer de l'instrument. Une fugace étincelle de surprise traversa ses yeux : il venait de se lier au violon. Il coinça le coffre sous son menton, l'air satisfait de la prise en main, et pinça les cordes, tout aussi content du résultat. Seules quelques notes furent suffisantes pour que l'auditoire soit captivé, moi comprise. La mélodie était lente, semblait tomber au gré du vent telle une neige épaisse, et m'évoquait paradoxalement une mélodie au silence. Une douce et chaude mélancolie s'immisça dans mon cœur et, la gorge nouée par l'émotion et la beauté de la musique, je fermai les yeux, comme Ciel sur son estrade, et appréciai l'instant.

          Alors que le musicien se laissait aller à un rythme plus allant, et commençait à exposer sa technique tant en musique qu'en jonglage avec son archet sous les hoquets de surprise et les souffles retenus, un tapotement sur mon épaule me tira de ma rêverie. Je tournai légèrement la tête. Mon père. Il m'invitait à le suivre. J'étais déçue et j'aurais souhaité rester, mais son air grave me convint. Comme lisant dans mes pensées, il me tendit un papier et une plume. J'y griffonnai rapidement, mais avec ma plus belle écriture, des excuses pour Ciel. Je n'avais pas pu rester jusqu'au bout, mais le peu que j'avais écouté de son morceau m'avait ravi. Je lui expliquai également que le violon était lié à lui à présent, et qu'il pourrait désormais l'invoquer ou le révoquer à sa guise sans utiliser d'énergie, avec un peu de pratique. Ajoutant la promesse de trouver un peu de temps pour lui rendre visite dans les jours qui viendraient, je déposai sans un bruit le papier sur le pied du violon, à ses côtés. Je faisais confiance à mes amis et suivants pour lui tenir compagnie et l'assaillir de questions à ma place, et je me promis de lui envoyer un page pour répondre à ses questions ou accéder à ses requêtes.
          Sans qu'il s'en aperçoive, je m'en fus, suivant mon père dans son portail, et nous fûmes bientôt dans son bureau. Il ne me laissa même pas le temps d’ouvrir la bouche. « Est-ce que tu as rencontré un autre Ryalkan durant le bal ?
          Surprise, j’hésitai un instant et fronçai les sourcils. « Oui, pourquoi ? » Il avait l’air beaucoup plus sérieux que d’habitude.
          Il s’approcha, me dominant de toute sa hauteur. « À quoi ressemblait-t-il ? Portait-il un masque ? Un symbole ? Quelque chose de distinctif ?
          — Il portait un pourpoint noir, un masque de renard argenté, il avait les cheveux longs, et… Père ? Tout va bien ? » Je me précipitai vers lui.
          Il avait trébuché en arrière, se soutenait au dossier d’une chaise, les yeux écarquillés, les lèvres entrouvertes, le visage pâle. « Par tous les dieux… »

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Tu va sans doute encore me trouver insatisfaite, mais je le dirais encore une fois : Beaucoup trop court !!

J'aime lire tes rp, et j'en ais malheureusement pris vite goût. J'ai hâte de voir la suite. Il me tarde de savoir ce qu'il va se passer.

Les aventures de Seïra sont ma foi bien passionnante ! Peut être même un peu trop ;)

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Je vais tous les tuer ... tous les tuer ... les mettre à mort, bousculer l'ordre établie et instaurer le chaos ...

ILS N'EN ONT PAS LE DROIT ! on ne touche pas à Seïra et sa famille ou je retourne à Ryalkan sur l'heure.

 

Bref Génial comme d'hab ^^ heureux d'avoir pu modestement t'assister.

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Yop !

 

 

Le chapitre 3 est toujours en écriture, mais petit message pour vous informer que les deux chapitres  – que j'avais momentanément retirés – sont de retour, frais et dispos. ^^

Et en bonus, le premier chapitre est revenu dans sa enhanced edition, en mieux, plus cool, plus bien, avec un combat plus classe, des phrases mieux tournées... bref, en mieux !

 

Enjoy et bonne lecture à tous ceux qui voudront découvrir/redécouvrir les aventures de Seïra. ;)

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Beh, de fait. Je sens que j'vais me faire un plaisir de relire tout ça.

Sachant que je suis une fan non cachée de la famille Fulmen (pas de l'imposteur qu'est Ciel :P).

Je vais sans doute devoir préparer du sérum phy' pour pas me retrouver avec la vue encore plus détruite :P

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