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[RP][ND] Ouverture des enfers


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32 Léolia de l’an 186

 

La fatigue commençait à prendre le dessus de Nora. Ses paupières se fermaient  d’elles-mêmes, lourdes et pesantes, voilant son regard vague dans le vide. Elle était déjà à moitié endormie, hallucinait de lumières rouge feu, d’un tunnel vers de nouvelles profondeurs, de cris de joie que son équipe pousserait en retrouvant enfin les vestiges du dernier peuple de l’ancien monde...


Le bras sur lequel elle avait posé sa tête glissa sur son écritoire, et la douleur intense d’un gros coup frontale sur le bois la réveilla aussitôt. Elle frotta son front, et jeta un coup d'œil rapide dans le miroir posé sur sa table de chevet pour contempler le nouvel hématome qu’ornait son front. C’était le 4ème. Elle grogna. Les cartes et les rapports qu’elle avait essayé d'étudier n’avaient aucun sens… ou du moins n’en avaient plus depuis les heures qu’elle les contemplait. Peut-être, se dit-elle, que son subconscient essayait de forcer les documents dans sa tête en l’écrasant contre les feuilles. Un sacré sens de l’humour cette boite crânienne. Elle soupira, posa le miroir, enleva ses bottes, et s’effondra violemment sur son lit, frustrée, mais trop fatiguée pour agir. Elle s'endormit rapidement, laissant ses rêves de réussite la bercer dans la  nuit.

 

***

 

"... Quelque chose s’est réveillé… l’as tu sentis?..."

"... une puanteur sans égal… est-ce bien…?"

 

"... Qui sait … Quoi qu’il en soit ça ne peut pas être pire que ce qu’on a à gérer actuellement…"

 

"... qu’en est-il d’Eolir et de Nilith…?"

 

La figure haussa les épaules, avant de lever sa main vers une lumière ardente. Les flammes étaient violentes, enveloppant sa main complètement, l’attrapant presque, essayant de grimper le long de son bras.

 

"... Eolir et Nilith… si un jour nous les retrouvons, nos soucis ne seront pas prêt d’être terminés…"

… 

" ...Et si on la nourrissait?..."

 

Le bruit sourd d’un violent coup de masse sur une tête retentit, suivi par un faible cris de douleur.

 

" … T’as complètement perdu la tête ?! … On ne nourrit pas les morts … et de toute façon elle semble se nourrir très bien d'elle-même…"

 

La figure ne put qu’à peine finir sa phrase qu’un cris de supplice et de douleur retentit depuis les profondeurs lointaines, suivi par le son glacial d’os broyés et de chair déchiquetée.

 

"... Qu’elle ait réussi à faire de nous des charognards… j’en suis dégouté…"

 

Les deux figures se turent, une nouvelle poche de soufre venait d’éclore. Leur repère ne resterait pas sûr pour très longtemps…

 

***

 

L’aube. Les rossignoles et rouges gorges qui avaient migrés dans la région s’étaient mis à chanter leur nouvel hymne. Le son d’oiseaux était une des rares choses auxquelles Nora n’était pas encore habituée. Bien que les Landes aient subi des transformations radicales depuis quelques années, elle faisait partie des anciens peuples nomades et avait l’habitude de croiser le désert depuis son plus jeune âge. La verdure, les champs, la forêt, étaient des concepts qu’elle n’avait pas encore assimilés.

 

La symphonie matinale accompagnait son réveil, chaque son ayant sa place dans l’orchestre du chantier. Elle distingua le pas de ses ouvriers, le bruit des charrues tirées, les caisses de matériel qui étaient passés d’une personne à l’autre dans une longue chaîne de convois. Mais c’était le son inattendu des sabots de chevaux qui l'interpella. Une petite dizaine à l’écoute. Les pas s’arrêtèrent presque devant sa tente. Elle n’attendait pas de livraison aujourd’hui, ou de visite. Elle se précipita de remettre ses bottes, et courra vers la sortie, trébuchant presque sur les livres et parchemins semés sur le sol. Crachant quelques vils jurons aux pauvres piles de papier, elle leva la toile qui faisait office de porte. 

 

Les rayons du soleil l’aveuglèrent pendant quelques instants, le temps qu’elle s’habitue au changement de lumière. Devant elle se tenait une délégation d’une demi-douzaine de cavaliers, dont la majorité portait les étendards et tabards de l’alliance, chevauchant des destriers noirs ou squelettiques. Le cavalier se tenant à la tête du convoi descendit de sa monture, tendant les brides à un jeune écuyer du chantier qui accouru pour prendre les montures. Ces compagnons de voyage firent de même, détachant du matériel qu’ils transportaient avec eux, et prenant de lourds sacs sur le dos. Leurs armures étaient crasseuses et couvertes de poussière, les jambières boueuses, et les visages des hommes n’avaient pas vu la lame du rasoir depuis bien quelques semaines. Comme quoi, le chemin avait été long.

 

L’homme devant Nora était grand, mince et vêtu d’un long manteau de cuir munie d’une capuche plongeant son visage dans l’obscurité. Ses mains étaient gantées, ses vêtements taillés dans une étoffe lourde et décorée de cuir taillé. Son torse était orné d’une bandoulière équipée de diverses bourses et fioles contenant toutes sortes de mélanges colorés. Il émanait une aura particulièrement calme et apaisante, chose surprenante pour un personnage portant une telle tenue. Les soldats derrière lui, beaucoup moins apaisants au vu de leur gabari, se mirent en formation, et ce qui semblait être une capitaine fit signe à l’homme qu’ils étaient prêts. L’homme fit un signe de tête, sans dire un mot, et se tourna vers Nora.

 

" Bien le bonjour Dame Scilla. Nous sommes envoyés par l’alliance pour étudier les progrès sur les chantiers, " commença-t-il, son regard dirigé vers la jeune demoiselle, révélant ses yeux vairons.

 

" Progrès ? Les nouvelles ne passent pas au-dessus de la Crète ? Cela fait bien deux semaines que nous n’arrivons plus à creuser la roche, " répondit-elle tristement, découragée. " J’ai étudié avec mes intendants tous les manuels que la grande Bibliothèque avait au sujet des Hélliens, mais aucun ne parle d’autres issues pour rentrer dans les profondeurs, ni de l'existence de cette pierre indestructible. "

 

L’homme se montra curieux. Il était visiblement surpris de ces informations, et semblait redoubler de curiosité quand la jeune dame lui tendit un des rares éclats de la roche noire qu’ils avaient réussi à briser. Il le prit en main, le tourna dans tous les sens, examina les strates et les cristaux visibles. Le plus qu’il examinait le fragment, le plus que son visage se fronçait. Il rendit le fragment, et d’un pas vif, se dirigea vers les zones d’excavation, les troupes derrière lui le suivant, la marche rythmée au chant des oiseaux. 

 

C’est alors qu’une dernière figure se mit en marche, une ombre que Nora n’aurait pas remarqué si ce n’était que ses pas étaient accompagnés d’un cliquetis métallique qu’elle ne connaissait pas. Il portait une longue cape dissimulant sa tenue, et le visage était embaumé et capuchonné. Le personnage était furtif et discret, passant inaperçu dans la troupe rayonnante de l’armée Néo-Dominienne.

 

Nora les suivi, perplexe. Les ouvriers sur le chemin étaient tout aussi abasourdis qu’elle. Certes, les délégations militaires étaient coutume sur les Landes Sauvages; elles étaient même les bienvenues au vu des dangers qui parcouraient la région. Mais le camp qui avait été dressé près des ruines de Wolfheim avait été sous le contrôle de l’alliance depuis bien avant l’éruption du Ragnaharos, et le chantier du canal de Nixe avait déjà ouvert un accès entre la Citadelle et les fouilles. Il n’y avait donc aucune raison apparente d’emmener autant de soldats sur un chantier archéologique, et encore moins de faire un détour de la route principale en passant par un col de la montagne.


Elle rattrapa la délégation, et en arrivant à la hauteur de l’homme au manteau sombre, essayant tant bien que mal de suivre la cadence de ses pas, elle se permit de demander :

 

"  Sieur, je comprends par votre allure et votre démarche que vous êtes pressé, mais puis-je avoir l’honneur de connaître le nom de l’homme qui interrompt mes travaux ?

 

- Oh, mes plus sincères excuses, j’avais cru comprendre que les travaux avaient déjà été arrêtés d’après vos dires… " Répondit-il d’un ton monotone, complètement ailleurs, continuant sa cadence soutenue. " Enfin soit, Je me nomme Shruikraan, raccourci Shrui pour ceux qui ont du mal avec la prononciation."

 

Le nom de l’homme lui semblait familier,  mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur l’origine de cette familiarité. Elle s'apprêtait à continuer de questionner son interlocuteur quand ils arrivèrent devant l’entrée du tunnel qui avait été entamé. Un nain aurait été offusqué  tellement l’entrée était peu impressionnante et mal taillée. Il n’était pas plus large qu’un mètre et demi, et n’allait pas plus loin qu’une petite trentaine de mètres, la roche noire n’ayant pas permis de miner plus. Shrui s’aventura dans la galerie, suivi du capitaine et d’un autre soldat, les autres s’installant autour et se mettant à discuter calmement avec les ouvriers. La scène qui venait de se peindre semblait des plus normale, ouvrier et soldats de l’alliance vivant ensemble, rang et statut social n’étant pas des frontières pour la convivialité et l’amicalité. La figure au visage embaumé s’aventura à son tour dans le passage, fondant dans l’obscurité tel une ombre dans la nuit. Nora, toujours aussi confuse, mais légèrement vexée par le manque d’information suivit le groupe dans le tunnel, le pas hâtif. Arrivant au bout, elle revit cette pierre cauchemardesque qui bloquait sa gloire et son prestige. La roche était lisse, presque vitreuse, les flammes de la torche qu’avait  en main le soldat étaient reflétées dans un miroir sombre et brumeux.

 

" Et vous disiez que vous avez tout essayé ? " demanda Shrui.

 

" Pas un outil dans notre arsenal n’arrive à faire plus qu’égratigner la surface… et encore, comme vous pouvez le constater, cette pierre n’a pas pris cher.

 

- En effet. "

 

Il se releva, regardant attentivement la roche.

 

" Et des explosifs ? 

 

- Déjà essayé, pas une miette en moins.

 

- Des outils automatisés ?

 

- La foreuse que nous avions fait apporter depuis Yorez a rendu l’âme quelques jours après avoir touché la roche sans faire une trace. Les engrenages se sont broyés eux même. Nous avons contacté la RockCorp mais nous attendons encore un devis pour une de leurs machines."


Shrui restait perplexe. Il s’assit lourdement sur le sol, enleva sa capuche, et enleva ses gants. Il s’adossa contre la paroi, regardant fixement le mur sombre. Il resta là, sans dire un mot, dans un duel des regards avec un caillou. La figure embaumée s’inclina contre le mur opposé, la tête dirigée vers le sol. La jeune archéologue ne prenait guère plaisir à ce jeu. Si le Conseil des Dirigeants voulait envoyer un émissaire pour faire un rapport sur le chantier, ils auraient pu en envoyer un qui était plus rapide à l’analyse, ou moins encombrant. Le soldat et son capitaine ne semblaient pas aussi surpris que la jeune dame, et s’installèrent un peu plus proche de la sortie, de sorte à pouvoir discuter sans déranger les deux autres.

 

" Dites moi, dame Scilla, " commença Shrui, une lumière  dans les yeux et un sourire malicieux sur ses lèvres. " Avez-vous quelque notion de Démonologie ? "

 

La soudaine question surprit la jeune dame. Cet homme remettait-il en question son savoir sur le sujet? La prenait-il de haut? Pensait-il qu’elle n’était pas à la tâche pour cette entreprise? Elle ne se laisserait pas faire.

 

" Figurez-vous que j’ai préparé mon excursion plusieurs mois avant même que la demande officielle soit faite pour le chantier. Les Hélliens étaient un peuple démoniaque provenant du Nether, dimension connue pour ses lacs de laves infinis et ces ressources rares comme le marbre noir ou le quartz. Ils sont arrivés en… "

 

" Ne me méprenez pas, dame Scilla, je ne mettais pas en doute vos connaissances sur les Hélliens, " l’interrompit Shrui, embarrassé. " Je vous demandais si vous aviez quelque notion en Démonologie : magie démoniaque, rituels, incantations, les rifts dimensionnels… "

 

La jeune femme paniqua légèrement. Elle n’était pas mage, et les termes que son interlocuteur utilisait semblaient être des incantations en elles-mêmes. Le fait que son interlocuteur lui parlait de ce sujet voulait dire qu’elle avait raté quelque chose, et clairement quelque chose d’important.

 

" J’admets ne pas connaître ses sujets, " dit-elle, frustrée, ne laissant pas voir son anxiété. "  Maintenant au vu de votre question, vous diriez que le rapport est évident, mais je vais quand même vous demander l’intérêt du sujet. "

 

Shrui se leva d’un bon vif, et se mit à fouiller les poches de sa bandoulière.

 

" Figurez-vous, dame Scilla, que si vous aviez su, vous auriez remarqué, outre la roche impénétrable barrant votre progression, que ce tunnel est chaud. "

 

Nora resta confuse, mais en mettant la main sur la paroi, elle remarqua que la pierre était tiède, et la température montait en s’approchant du mur de roche sombre, arrivant à une température non pas brûlante mais suffisamment chaude que pour sentir la différence. Elle se souvenait que ses ouvriers lui avaient fait remarquer que la température sur le chantier montait, mais elle était partie du principe que c’était le résultat de la friction entre la foreuse et la roche.

 

" Ensuite, si vous aviez un mage dans vos rang, il aurait probablement pu vous dire que cette roche pouvait être une de deux choses : soit, il s’agit de roches du manteau souterrain, connu aussi comme de la bedrock, auquel cas il serait inutile de poursuivre cette expédition et on pourrait considérer que Hel est perdue à jamais, coincée entre des plis de roches, broyée par les secousses lors de l’éruption."

 

La Bedrock, une pierre si dure que seule la magie impériale était capable de la manipuler. L’ouï de ce nom crispa Nora: tout son travail et son opportunité à la gloire risquaient de s’effacer devant ses yeux à cause d’un manque d’analyse. Shrui sortit une poussière rougeâtre d’une de ses bourses, qu’il jeta sur la roche. Le mur se mit à luire de couleurs enflammées et octarines, et des symboles énigmatiques éparpillés dans tous les sens apparurent tel des marques aux fers sur la peau, brûlants. Shrui regarda le mur, satisfait.

 

" Ou, dans l’autre cas, il vous dirait qu’il s’agit de brimstone, ou de la roche de feu. Cette roche généralement volatile était jadis utilisée par certains mages pour contenir des créatures dans des prisons dans le Nether, ou notamment par les Hélliens comme matériau de construction. " Il se tourna vers la jeune femme, enjaillé, tel un enfant à noël. " Alors pourquoi une roche volatile deviendrait aussi dure me demanderiez-vous ? C’est là qu’entre la démonologie. La paroi est recouverte de glyphes de protection, rendant la structure impénétrable tant que les glyphes n’aient pas été annulés. "

 

Nora essayait tant bien que mal de suivre le discours de l’homme, mais la vitesse à laquelle il faisait ses explications rendait la tâche plus ardue qu’anticipée. Il connaissait son sujet, elle du s’admettre autant. Il s’arrêta soudainement dans son monologue, frappé par un instant de stupeur, puis fronça les sourcils, dubitatif.

 

" Quelque chose me gêne néanmoins, " continua-t-il, son ton soudainement plus sérieux. " Voyez-vous, un glyphe de protection se fait sur l’arrière d’un mur qu’on veut défendre, de tel sorte à ce qu’on puisse pas le détruire facilement. C’est une stratégie assez logique et intuitive, et surtout pour un peuple aussi belligérant que celui des Hélliens… mais les glyphes sont de notre côté du mur. "

 

Il fit une légère pause, chose que les soldats remarquèrent dans le fond.

 

" Ce mur a été scellé de l’extérieur. "

 

***

 

… "  Tu sens ça ? "

 

" Des humains … Pas bon signe… "

 

"  Tu crois qu’elle les a remarqué aussi ? "

 

" … Avec l’odeur qu’ils ont il n’y a aucun doute… "

" On fait quoi alors ? S’ils font ce que je pense… "

 

" … prie qu’ils ne le fassent pas alors. Je suis déjà assez content que jusqu’à présent ils n’aient pas réussi à pénétrer les profondeurs… "

 

" … Eolir et Nilith avaient fait un sacré travail quand même… "

" En effet. Pourvu qu’il tienne… "

 

Les cris retentirent à nouveau, accompagnés cette fois-ci par un rugissement strident qui perce les tympans. Une respiration rauque et forcée résonnait dans les galeries, mélangée à un gargouillement malsain. Au loin, quelque chose rampait sur les pierres…

 
***


Shrui s’était installé sur un fauteuil dans le coin de la tente de réunion, entouré des livres et parchemins qui était jusqu'à peu encore en la possession de Nora. Il en feuilleta un, puis sauta au milieu du suivant, pour ensuite reprendre du début le précédent. Sa méthode pour le peu chaotique ne rassurait pas la jeune archéologue de ses compétences, qui jusqu’à présent s’étaient limités à jeter de la redstone sur un mur en priant que quelquechose se passe, suivit de deux duels des regards avec le même caillou (combats qu’il semblait avoir perdu d’ailleur). La figure mystérieuse s’était assise dans un tas de coussins, les bras croisés derrière la tête, reposant paisiblement, bercé par le bruit des pages tournées. Elle laissa le mage dans ses études, et retourna sur le chantier.

 

Midi. La matinée avait été tellement remplie de bêtises que Nora n’avait pas eu le temps de faire ses routines… ou même de se changer. Elle regarda le ciel bleu, inspira un grand coup, et expira. Certes la région avait refroidi depuis l'hiver volcanique, mais le soleil tapait toujours autant, assénant de chaleur tout ce qui passait par ses rayons. Les ouvriers prenaient leur pause dans un coin donnant sur la mer de Nixe.

 

Les travaux n’avaient donc pas avancé depuis la veille, n’allaient probablement pas avancer au rythme désiré tant que la délégation était sur les lieux, et pour en rajouter une couche, elle allait devoir gérer un mage prétentieux qui risquait de prendre la gloire pour lui.

 

Calme toi ce dit-elle. Il sera parti d’ici peu. Il te laissera en paix, tu pourras continuer ton travail, et tout ira bien. Oui. Tout ira bien...

 

" Vous semblez particulièrement tendue dame Scilla." dit une voix dans son dos. Elle se tourna pour voir la capitaine se tenant un peu plus loin de la tente, assis sur une caisse, nettoyant et huilant son épée. Elle avait posé son armure de côté, qu’elle avait nettoyé de la poussière qui y collait et qui séchait au soleil.

 

" Disons que ce n’est pas tous les jours qu’un émissaire passe son temps à se mettre dans mes pieds pour "résoudre" un souci que je confronte depuis des semaines," répondit-elle, nonchalante.

 

"Je peux comprendre votre déroute. 'Ce n’est qu’un émissaire, au mieux qu’un des rares mages venu pour compléter des études dans la citadelle' . Si je n’avais pas vu sieur Shruikraan en action j’en aurait dit tout autant." 

 

Elle remit son épée dans son fourreau, s’assurant que le mouvement était propre et d’une traite, sans friction, avant de reprendre.

 

" Mais le Sieur est le deuxième, si pas LE mage le plus puissant de l’alliance, et probablement un des plus puissants des terres de Stendel. Il est, pour le moins qu’on puisse dire, excentrique, mais il a vu et fait tant de choses que je ne saurais les énumérer."

 

Nora fronça les sourcils.

 

" Par ailleurs, Capitaine, d’où veniez vous pour que la délégation soit en si piteux état? La Citadelle n’est pas si loin que ça, et tant bien vous que vos soldats étiez couverts de poussière à n’en plus reconnaître vos tabards."

 

" Nous ne venions pas de la Citadelle. Nous venons de Kel’Daer, où nous sommes allés à la recherche de Shruikraan. Le Conseil avait eut ouï qu’il devait partir pour Stendel, et les dirigeant ont envoyé un escorte."

 

La nouvelle surprit la jeune femme, et la frustra encore plus: le Conseil aurait envoyé un mage, venant du Bout du Monde (l’autre), parce que les travaux n'avançaient pas assez vite à leur goût? Se sont-ils dits qu’un mage ferait un meilleur travail qu’elle? Un mage de haute renommée qui plus est? Elle fit demi tour et retourna dans la tente, le pas accéléré, pour se poser devant Shrui, qui sursauta légèrement à la vue de quelqu’un aussi proche de lui en si peu de temps.

 

"Que faites vous?" questionna Nora, légèrement en colère. Le ton sévère de sa demande mit son interlocuteur mal à l’aise.

 

" Actuellement je relis les notes disponibles sur les Hélliens. Les glyphes sont généralement répertoriés, donc j’essaye de comprendre le sort.

 

- Ne pourriez-vous pas juste en finir et briser ses sorts?

 

- Oh ne vous inquiétez pas, il ne faut pas être mage pour détruire un glyphe. Un glyphe est, concrètement, une inscription. Une simple fracture suffit pour lever le sort.

 

- Mais la roche est impénétrable.

 

- Oui, certes, mais uniquement quand elle est "inerte". La redstone, outre ses propriétés naturelles, est souvent utilisée en alchimie comme réactif ou catalyseur. La brimstone est très susceptible aux réactions alchimiques, et redevient volatile et fragile quand exposée à la poudre.

 

- Et bien alors qu’attendons nous? Ouvrons ce tunnel!

 

- Non." répondit Shrui, son ton calme remplacé par une voix plus stricte. "Il est hors de question d’ouvrir le tunnel."

 

Nora était stupéfaite.

 

" Cela va faire plus de six mois que je travaille sur ce chantier, à frayer des chemins dans les décombres de trois tunnels différents, cherchant l’accès à cette ville, et maintenant que le dénouement est à ma portée, vous m’en défendez?!", s’exclama-t-elle, furieuse.

 

" Je vous suggère fortement de revoir votre raisonnement: vous avez découvert aujourd’hui que la ville a été scellée, qui plus est par un rituel qui se serait produit, ou du moins ne peut qu’être défait, depuis l'extérieur. Cela indique que celui ou celle ayant réalisé ce sort essayait de contenir quelque chose dans les confins de Hel.

 

"En partant de ce principe, on peut supposer que quelque chose c’est mal passé. Une nouvelle poche de lave ou un gaz volcanique toxique pour des exemples moins catastrophiques . Je cherche à déchiffrer les glyphes, et tant que nous ne connaissons pas l’étendue de ce rituel et sa fonction, je ne vois pas pourquoi on devrait potentiellement mettre en danger les ouvriers."

 

Autant son ton était calme, autant son regard trahissait son mécontentement. Shrui se leva lentement, forçant Nora à reculer de quelques pas pour qu’ils ne se retrouvent pas collés l’un à l’autre.

 

"Donc non. Le tunnel ne sera pas ouvert. C’est un ordre."

 

L’archéologue devient rouge de colère.

 

" Un ordre? De quelle autorité?" rétorqua-t-elle.

 

" De la mienne." Répondit une voix derrière elle, à l’entrée de la tente. Un fraqua de tonnerre résonna, accompagné d’une lumière blanche aveuglante. Dans le cadre de l’entrée se tenait un grand singe blanc, haut de bien deux mètres, portant un caleçon rouge et tenant en main un sceptre orné, s’en servant d’appuis.

 

" Tu aimes toujours autant faire tes entrées fantastiques je vois."

 

"Hé hé," ricanna le gibbon. "Un singe de ma stature se doit de faire une entrée de qualité."

 

"Pas faux mon ami."

 

L’archéologue ne savait pas quoi penser de la situation. Le gibbon se tourna vers elle.

 

" Dame Scilla. Je vous invite à vous calmer en premier lieu, les discussions enflammées ne me plaisent guère.


"Ensuite, je vais vous répéter l’ordre: vous cesserez toute activité minière et mettrez à l’arrêt toute tentative d’entrer dans les profondeurs."

 

La jeune femme voyait son rêve de gloire s'évaporer devant elle. Sa renommée, sa marque dans l’histoire, son épopée… puis elle se souvint.

 

" Grand Gibbon, je vous comprends bien, mais malheureusement je ne suis pas vos ordres, mais ceux du conseil et du Dirigeant des Sans Nation, intendant des terres. Tant que je ne reçois pas d’ordre de ces entités, mon travail continuera," dit-elle, souriante et calme. Elle avait trouvé une faille dans le système.

 

Le Gibbon leva un sourcil, puis regarda par-dessus l’épaule de l’archéologue.

 

"Tu comptes glander comme ça encore longtemps?"

 

Nora se retourna. Lentement. L’homme embaumé, jusqu’alors jonché sur les coussins, se leva, s’étira, défit sa cape, dévoilant son armure de général, et défit les bandages couvrant son visage, dévoilant une peau gélatineuse et rouge.

 

" J'espérais sincèrement que l’intervention de Shrui aurait suffit," dit-il, clairement en plein réveil. Il s’étira longuement. Tous les espoirs de Nora avaient à présent disparu. Le dirigeant des Sans Nations s’avança vers elle, le pas léger (aussi léger que pouvait être un pas en armure lourde) et lui mit la main sur l’épaule.

 

" On met le chantier en pause. Nous ne risquons pas la vie des gens pour des fouilles."

 

Il tendit un parchemin à l’archéologue, qu’elle prit les mains tremblantes. C’était un décret signé par tous les membres du conseil. La dernière pierre venait de tomber.  Le slime s’avança lentement vers le gibbon, avant de continuer.

 

" Nous analyserons les informations que nous avons reçu. En attendant, Shruikraan sera votre homme de référence. Vous suivrez ses ordres comme vous avez suivit ceux du conseil."

Il regarda le Gibbon, fit un petit signe de la main, et s'agrippa au sceptre. Un nouveau coup de tonnerre retentit, suivi par la lumière aveuglante, et les deux dirigeants disparurent aussi vite que la conversation eut lieu.

 

Nora, déboussolée, confuse, et vidée de toute ces forces, sortit de la tente, le pas lent, et se retira dans la sienne, fermant l’entrée derrière elle.

 

***

 

Sur le flanc Est de la Crète…

 

Le slime et le Gibbon entrèrent dans la grotte. Le tunnel avait été grossièrement taillé, rendant la marche plus compliquée. Le couloir se jeta sur une grande caverne, une ancienne poche magmatique presque entièrement vidée de son contenu, laissant comme dernière source de lumière et de chaleur un petit lac de lave bouillante. Sur le plateau principale se tenait une grosse bâtisse de pierre, les murs aussi brutes que les parois de la grotte. 

 

" Ruvac!" lança Gibbon.


" Bien le bonjour messieurs," répondit une voix non loin du lac. 

 

Un homme se tenait à une dizaine de mètres d’eux, lisant un livre, tranquillement installé sur un banc près d’une falaise se jetant dans le lac.

 

"Alors," continua-t-il pendant que les deux visiteurs s’avançaient vers lui. "Que puis-je faire pour vous?"

 

"Oh ne t’inquiète pas, c’est pas grand chose", répondit le gibbon. "Tu avais jadis un accès vers Hel depuis ta demeure non?"

 

" Je l’ai encore! Après ça fait longtemps que je ne l’ai plus utilisé, et je ne sais pas en quel état il sera au vu de l’activité de la région. Les fouilles de l’autre côté de la Crète ne se déroulent pas convenablement?

 

- Du moins pas comme prévu." Répondit Kusadoro. " Nous avons rencontré quelques problèmes… majeures…

 

- A ce point là?

 

- Malheureusement oui. Pourrais-tu nous guider à travers ton passage?"

 

Ruvac se leva, à son aise, et fit signe aux dirigeants d’entrer dans sa demeure. Ils descendirent les marches vers la cave, remplie de caisses et de tonneaux. Ruvac scruta le sol, et s’avança de quelques pas pour arriver à une dalle d’une teinte légèrement différente du reste de ses pavés. Il la leva, et révéla un passage avec une échelle, conduisant dans un gouffre sombre. Les parois étaient chaudes, l’air difficile à respirer: ce tunnel était déjà bien plus proche de Hel que le tunnel des fouilles.

 

Le trio s’avança lentement dans le corridor de pierre, torche à la main pour éclairer le chemin. Mais leur randonnée s’arrêta rapidement: le passage était bouché par une roche sombre et vitreuse.

 

" Et bien ça c’est nouveau dit donc!" s’exclama Ruvac. "Ça explique pourquoi la chaleur ne rentre plus dans ma cave.

 

- Tu l’utilisais souvent ce passage?" demanda le gibbon, le dos courbé dans une position pas très confortable.

 

" De temps en temps, mais sans plus. Je récupérais encore des petits artefacts et autres grigris par ci par là.

 

- Et tu étais le seul à connaître ce passage?

 

- Ah ça c’est sûr. Aucun Héllien, même les rares survivants, ne savaient que j’avais cet accès. Ils m’auraient probablement brulé vif s’ils m’avaient trouvé."

 

Le slime prit une bourse qu’il avait attaché à sa ceinture, l’ouvrit, préleva une petite poignée de la poudre de redstone qu’elle contenait, et la jeta sur le mur. La roche se mit à luire et les glyphes apparurent à nouveau. Ruvac recula, le visage pétrifié. Il vacilla légèrement. Le gibbon le retena.

 

"Tu vas bien l’ami?" demanda le gibbon.

 

"Euhm… oui… oui…" répondit Ruvac, déstabilisé et déboussolé. " Sortons d’ici. Tout de suite!"

 

Il ne put finir sa phrase que l'écho d’un cris strident retentit non loin. Les trois hommes étaient cloués au sol, pétrifiés. Soudainement, quelque chose frappa d’un violent coup la roche, qui trembla. Le coup fut vite suivi par un deuxième, plus fort encore. Quelque chose essayait clairement de briser la roche.

 

"MAINTENANT!" Cria Ruvac du haut de ses poumons.

 

Gibbon l’attrapa, le mis sur son dos, et se dirigea le plus vite possible vers l'échelle. Kusadoro les suivit au taquet. Quand ils étaient à nouveau dans la cave, Ruvac s’empressa de remettre la dalle.

 

" Tu sembles savoir quelque chose sur le sujet?" demanda le slime, essoufflé. 

 

Ruvac se tourna lentement vers ses deux compagnons, vidé de sa vitalité, blanc comme un linge.

 

" En effet." il repris son souffle. " Il y a en effet un gros problème… plutôt même une catastrophe."

 

Il s'assit sur une caisse, le regard dans le vide.

 

" Le passage a été scellé…"commença Gibbon.

 

" Non," coupa Ruvac. "Pire encore. La ville entière est coupée du monde extérieur. La roche noire est un morceau d’une sphère entourant la ville complète, une isolation totale si vous préférez.


" Autant les Hélliens n’avaient aucun amour pour l’Empire, autant ils savaient plus que quiconque que le nether contient des créatures dangereuses. Leurs mages ont mis en place diverses barrières runiques et magiques, de telle sorte à contenir ces bêtes si elles venaient à passer le portail.

 

- Pourquoi cette soudaine preuve de bonté?

 

- Probablement car les premiers qui seraient mis en danger étaient les habitants du Dominion.  Autant éviter de trop tuer d'alliés si on le peut j’imagine… bien que le fils de Schwartz ne s’est pas retenu sur ce coup là."

 

Au loin un autre cri survint, étouffé par la roche et la distance. Les trois hommes étaient sur leur garde. C’était un rugissement de créature affamée, rempli de haine et de rage, cherchant à assouvir ses désirs les plus sauvages. Les coups cessèrent, la pièce retrouva son calme.

 

"Vous reconnaissez ce cri?" demanda Kusadoro, mal à l’aise.

 

"Je n’ai jamais entendu une créature des enfers produire un tel boucan, et j’en ai vu bien ma part," répondit Ruvac, crispé.

 

Le gibbon resta silencieux quelques instants.

 

"... moi bien."

 

***


Les ouvriers s’étaient mis en marche en entendant la nouvelle, et se mirent à ranger le matériel. Les pioches, les pelles et les pinceaux étaient remis dans des caisses, les charrettes remplies de gravier furent emportées en direction de la marina pour l’export, certaines tentes d’ouvriers étaient descendues, les hommes retournant au foyer après les longs travaux ou partant au sud pour travailler les terres de Rupture Farm.

 

Nora n’était pas sortie de sa tente depuis plusieurs jours, ses plateaux de repas intacts. Le silence provenant de son abri angoissait plusieurs ouvriers et autres conseillers qu’elle avait réunis. C’était un silence de mort, froid, glacial, qui perçait les os. On commençait à penser au pire, mais les doutes furent rapidement effacés lorsque Shruikraan s’aventura dans l’entrée de la tente, puis en en ressortant les jambes à son cou évitant de justesse un miroir balistique. Elle était encore là.

 

Une semaine s’écoula. Nora sortit de sa tente à l’aube. Le bruit du chantier s’était presque éteint, ce qui restait  des hommes  dormaient et les soldats se reposaient dans l’ombre des ruines de Wolfheim. Le soleil se levait derrière les montagnes, luisant d’un orange froid dissimulé derrière quelques nuages qui avaient réussi à discrètement grimper les pics de la Crète durant la nuit.

 

L’archéologue commença une marche lente en direction de la tente principale, une lettre à la main. Elle ne voyait plus d’autre alternative, rentrer chez elle était l’unique option qui lui restait. Sa gloire, sa fortune, elle ne la trouverait plus dans ce chantier cauchemardesque. Quand elle arriva à l’entrée, elle jeta un dernier regard vers les tunnels. Elle était si proche...

Fichtre. Je ne laisserais pas cette affaire se conclure comme ça!

 

 Elle se retourna, et se dirigea vers la carrière, le pas vif. Elle s’empara d’une marteau, d’un burin et d’une bourse de redstone, avant de rentrer dans le tunnel, suivi du regard déboussolé de ses ouvriers et les soldats encore présents à cette heure. Ses pas brusques faisaient écho dans le corridor de pierre. Quand elle arriva devant le mur, elle y jeta la poudre, laissant ressortir les glyphes, et d’un gros coup de marteau, brisa un premier symbole en forme d’un trident. 

 

Le son produit par le coup résonna dans le tunnel, un bruit assourdissant de pierre qui se fendait. A la surface, les oiseaux s’envolèrent tous en masse et partirent pour la mer de Nixe. Le tonnerre rocheux n’avait échappé à personne. La roche se mit à vibrer, chauffant de plus en plus. Nora recula, contemplant son travail sans savoir si elle devait être fière ou avoir honte. La pierre se vitrifia, puis peu à peu se liquéfia, avant de se transformer en masse inerte au sol et ouvrant le tunnel vers les profondeurs. L'amas de Brimstone, maintenant ressemblant étrangement à un gros slime, commença à prendre forme. La boule s'allongea, et peu à peu une forme humanoïde se dessina, jonchée sur le sol. Les traits se raffinaient, des membres se distinguaient de la masse inerte.

 

Devant l’archéologue stupéfaite se tenait le corp vidée d'énergie de ce qui semblait être une femme, à la peau rouge, ornant deux grandes cornes rocheuses sur la tête. Ces bras et jambes était couvert de tatouages, ressemblant fortement aux glyphes qui ornaient précédemment le mur.

 

Un bruit de pas résonnait depuis l’entrée du tunnel, pressés. Shrui rejoint rapidement la scène, furieux. 

 

"Qu’as tu fait pauvre sotte?" s’écria-t-il en voyant le passage ouvert, inquiet.

 

Mais elle n’écoutait pas les mots du mage, elle restait fixée sur ce qu’avait révélé la disparition du mur: derrière la femme se tenait un cadavre, en pleine putréfaction, une jambe manquante, le peu de muqueuses restantes déchiquetées et asséchées, allongé dans une marre coagulée de sang noirci et de boyaux décomposés. Le regard qu’avait le corps était clair: une épouvante sans comparaison, une terreur qui se lisait que dans les yeux de ceux qui savaient quel mal il allait leur arriver...

 

***

 

" Sieur Shruikraan, nous sommes prêts."

 

"Parfait. En route alors. Restez alertes."

 

La capitaine acquiesça, et fit signe à sa troupe de la suivre. La compagnie quitta le camp et se posta devant le tunnel, en garde à vue. Shrui se tourna une dernière fois vers Nora, la colère sur son visage ne s’étant qu'amplifier depuis qu’elle avait brisé le sceau. 

 

" J’imagine que vous comprenez très bien ce qu’il se passera d’ici notre retour à la Citadelle."

 

Nora hocha de la tête, muette, défaite.

 

" J’espère que vous serez capable de vivre avec vous-même si je perd des soldats là dedans."

 

Il lui tourna le dos, et se mit en marche, mais s’arrêta après quelques pas.

 

"Alors, vous comptez rester là à attendre que la délégation juridique vienne vous chercher ou allez vous bouger votre derrière et me suivre?"

 

La jeune femme se leva, hésitante, et suivi le mage, le pas faible. Sa soif de savoir et sa curiosité avaient été coupé en apercevant le cadavre, et une peur grandissante s’était installé à leur place. Qu’avait-elle fait?

 

Un long passage se tenait devant la compagnie. Il était plus sombre, un souffle d’air chaud en ressortait, et une odeur de pierre en fusion et de soufre en émanait. Les vapeurs étaient suffisante pour décourager les plus courageux. Shrui, une torche à la main, s’avança le premier dans le tunnel, suivit par la capitaine, Nora, et le reste de la troupe. En s’enfonçant dans le gouffre la roche prenait une teinte de plus en plus rouge, les parois chauffaient plus, et la chaleur devenait de plus en plus oppressante. Chaque pas semblait devenir un défi plus difficile à surmonter que le précédent. Après plus d’une heure de lutte contre le mur invisible qu’était l'atmosphère Hellienne,  le couloir s’élargit enfin, et la troupe arriva dans une grande caverne. Un énorme lac de magma se situait au centre, contourné par une bordure sur laquelle reposait des structures en ruines. Les parois de la caverne étaient parsemées de demeures troglodytes incrustées, le plafond donnait sur une énorme cheminée naturelle: c’était la chambre magmatique du volcan.

 

L’ambiance était particulièrement glauque: quelque chose épiait la bande, et les soldats l’avaient remarqué. La formation se serra, la capitaine déguèna calmement son épée.
Des pas. Deux personnes. Des pas de fuite. Nora vit deux ombres courant dans leur directions.

 

" Qu’avez vous fait humains! Courrez! FUYEZ!" dit une des voies, mais elle ne put finir sa phrase qu’un cri se fit entendre dans la grotte. Un cri à fendre les tympans, sauvage, bestial, démoniaque, qui semblait même refroidir le magma tellement qu’il était glacial. La compagnie se figea, incapable de dégeler leurs jambes. Leur terreur était tellement grande que la fuite ne semblait qu’être l’alternative la plus douloureuse de mourir. Les deux ombres les secouèrent et les tiraient vers une des maisons troglodytes. Une fois tout le monde à l'intérieur, ils baricadèrent la porte et se plaquèrent au sol, le doigt sur la bouche, implorant le silence le plus complet. 

 

Dehors, quelque chose venait d'apparaître dans la salle. Il ne fallait même pas voir la chose pour savoir qu’elle était là, ou qu’elle cherchait quelque chose. Sa respiration était saccadée et produisait un gargouillement malsain, comme si quelqu’un se noyait dans une marre de sang. De faibles craquements osseux divulguaient sa position. La créature poussa un nouveau cris, cette fois si strident que les lames des soldats se mirent à vibrer, et quelques fioles vides sur les bandoulières de Shrui éclatèrent. Une ombre gargantuesque s’introduit dans le cadre des fenêtres barricadées, mais s’en alla quelque instant après, son attention attirée par quelque chose d’autre. La lourde présence s’envola, et la salle retourna à son ambiance lugubre d’origine.

 

"Qui êtes-vous?" demanda un des deux fugitifs.

 

Nora réalisa qu’elle reconnaissait les personnages. La peau rougeâtre, les dents acérés, les yeux luisant au couleur de flammes… c’était des Héliens, et qui plus est, des Héliens de souche. 

 

" Qui êtes-vous!?" répéta le Hélien, dans un mélange de détresse et  de colère.

 

" Je pense sincèrement que cela importe peu actuellement, répondit Shrui. Qu’était cette chose?

 

" Ça, humain, était le cataclysme qui détruira le monde de la surface s’il réussi à sortir d’ici. Comment êtes vous entrez?" demanda le deuxième, sur un ton légèrement moins agressif que son collègue.

 

Shrui jeta un regard noir à Nora, puis reprit.


"De par la maladresse d’une jeune exploratrice, le sceau a été levé…

 

- Quoi!?" s’exclama le premier Hélien, furieux. "Mais vous êtes des imbéciles ou quoi! Quelqu’un ne s’était pas dit, ‘ tiens,un sceau magique, peut-être qu'il est là pour une raison’? J’en crois pas mes oreilles, je savais qu’on aurait du égorgé chaque humain de la surface quand Aelfyr était encore au pouvoir…"

 

Un bruit sourd qu’une masse sur un crâne retentit, suivit par un faible cris de douleur.

 

" Calme toi Nagos! Ils sont bêtes, certes, mais ils ne sont pas aussi inutiles que ça… du moins je l’espère pour eux."

 

Il se retourna vers Shrui.

 

" Quand le sceau fut brisé, qu’avait vous fait de Nilith?"

 

Le jeune mage se gratta la tête, confus.

 

" La hélienne qui apparut à la place du sceau…, continua il.

 

- Ah, elle a été prise en charge par une équipe médicale pas trop de loin de la sortie. A ce que je sache elle est vivante mais se repose.

 

- Et Eolir? Avez vous vu Eolir?" demanda Nagos, frottant la nouvelle bosse sur sa tête.

 

La pièce devint silencieuse. L’expression lisible sur le visage de Nora lui répondit clairement, et Nagos recula de son côté, accompagné d’un certain chagrin que l’archéologue ne savait pas que le Héliens était capable de ressentir.

 

" Nommez-moi Serros. J’était un intendant de la cour royale du Nether.

 

- Shruikraan. Voici Artemis, capitaine de la seconde Exogile du Néo-Dominion, et Nora, ex-archéologue en chef sur les fouilles pour Hel… ou ce qu’il en reste...

 

- Bienvenus," répondit Serros, moqueur. "Mais n’attendez pas de festivité, vos activités de surface ont eut assez de conséquences que nous ne vous portons pas particulièrement dans nos coeurs.

 

- Nous comprenons bien que nous ne sommes pas les bienvenus," commença Artemis, légèrement irrité. "Mais dans l’optique de vous laissez en paix, pourriez-vous nous donner plus d’informations concrètes sur notre situation actuelle?

 

- Et bien, capitaine, votre situation est la suivante: vous êtes coincés avec deux Héliens dans une pièce, qui ne tiendra pas plus longtemps que quelque jours au vu des dégâts, et poursuivi par une des dernières bénédiction de Aelfyr," répondit Serros, irrité à son tour.

 

Nora se tassa sur elle même, son erreur de tantôt commençant à peser encore plus qu’elle ne s’attendait à ce qu’elle le puisse. Dans le silence on pouvait encore entendre la créature roder.

 

" Et à quoi avons-nous à faire?" demanda Shrui.

 

Nagos se retourna calmement, et répondit:

 

"Un Wither. Une créature dévastatrice qui détruit tout sur son chemin. C’était un des derniers joujoux d’Aelfyr que les Empereurs n’avaient pas trouvé lors de la fermeture du portail.
Il avait été scellé dans un tombeau de bedrock, mais avec l’activité récente du Ragnaharos, le sceau fut brisé, et le carnage commença.


Dans l’optique de ne pas révéler le fait que nous existions encore, Eolir et Nilith décidèrent d’activer une des grandes barrières: un sceau puissant animé par une ancienne magie runique qui permettait d'emprisonner des zones complètes.

 

- Un sort qu’on aurait bien utilisé sur l’Empire si on avait eut l’occa… Aïe! 

 

- Bon sang Nagos tu me fatigues."

 

Les hélliens se mirent à discuter dans une langue incompréhensible, les syllabes prononcée à l’envers. Shrui se tourna vers Artemis, fit un hochement de tête, et se retourna ver leurs deux hôtes.

 

"Peut on tuer cette bête?"

 

Nagos, qui se frottait encore le front, se mit a rire.

 

"Tuer le Wither! Avec votre équipement? Vous avez un drôle de sens de l’humour quand même! Rassure toi humain, si l’on pouvait tuer un wither, on l’aurait deja fait."

"Alors peut-on reproduire le sceau?"

 

Les heliens se tirent, perplexes.

 

"Reproduire de l’ancienne magie démoniaque. Sans mage infernal. Avec des humains. Je ne sais pas pour qui tu te prends humain mais je pense que tu rêves," répondit Nagos. "De plus, un tel sort nécessite -

 

"- Un corp sacrifié pour faire office de catalyseur, permettant ainsi en puisant dans sa vitalité pour renforcer une zone environnante et former une prison matérielle. Ajoutez sur le corps du dit vaisseau des glyphes de protection et vous avez une prison indestructible." dit Nora, brisant son silence.

 

Tous les regards se posèrent sur elle, celui de Shrui étant le plus surpris et perplexe.

 

" Je ne suis pas une mage mais je sais bien faire des déductions."

 

 Elle se redressa lentement, se tournant vers Serros.

 

" Que je sache, tout héllien est capable d’une certaine forme de magie, aussi faible soit elle. Mais comme la puissance et la taille de la zone du sort dépendent du vaisseau, les aptitudes du mages ne sont pas aussi importantes. Me trompe-je?"

 

Serros, qui jusqu’à là avait réussi à rester de marbre, laissa glisser un petit sourire au coin des lèvres.


"Très bien très bien. Je vois qu’on est sur la même page."

 

Il jeta un coup d'œil à Nagos, puis à la porte.

 

"Nous manquons de temps pour faire de vrais débats. Si le Wither réalise qu’il y a une sortie vers la surface, c’est fini pour vous", reprit-il.

 

"Nous ça nous arrange évidemment mais… non ok j’ai compris Serros, pose cette masse!

 

- Comme je disais, il faut donc bloquer sa sortie au plus vite. On va devoir tendre une embuscade. Capitaine, j'espère que vos soldats sont aussi compétent que vous puissiez le prétendre, car on du pain sur la planche…"

 

***

 

La lave était calme. Elle bouillonnait à son aise, quelques bulles de soufre s'échappant de temps à autre de la surface. L’air était toujours aussi âcre, lourde et stagnante, mais Nora s’y était habituée. Elle attendait, cachée derrière un gros rocher en début de pente et les mains crispées autour de son cou, le moment de l’assaut. A côté d’elle, Serros se tenait en vigile, une lame courte d’obsidienne à la main, épiant la bas de la pente où se tenaient Artemis et trois de ses hommes. Shrui s’était dissimulé dans les décombres d’une vieille demeure, accompagnée de deux soldats, et Nagos s’était caché dans une faille avec le reste des troupes.

 

Le plan est simple. Une fois la bête attirée, les soldats la distrairont pendant que Serros commence son incantation en utilisant l’essence d’Artemis, et la bête sera scellée dans une nouvelle sphère. Oui. C’est simple. Ça marchera. Crise résolue… Du moins c’était ce que Nora essayait de se convaincre, mais autant Serros avait une allure de confiance, autant elle discernait les légers tremblement de sa main, une hésitation flagrante que Nora ne pouvait percevoir autrement qu’un risque.

 

Au loin, elle regarda le groupe entourant la capitaine, tenant leurs épées et boucliers prêts pour un combat. Nagos, voyant que tout le monde était en place, sortit légèrement de sa cache, et de son couteau, coupa sa main, laissant couler un filet de sang sur la roche. Aussitôt le liquide toucha le sol, il s’arracha un morceau de tissu pour fermer la plaie, et retourna dans sa cache, attendant la suite.

 

Une minute.

 

Deux minutes.

 

Cinq minutes.

 

Les minutes étaient extrêmement longues, l’angoisse grandissant dans les rangs. Mais soudainement, Nora entendit quelque chose au loin, à peine audible par-dessus l'éclatement des bulles de lave. Quelque chose rampait, et s’approchait lentement. Serros le remarqua peu après, et se crispa à son tour. Toute la compagnie se figea dans l’attente. L’echo de gravier et de poussière perturber par une lourde masse résonnait comme le cris de milles voix, les battements de cœur sonnaient comme des tambours de guerre. Dans quelques instants, les enfers allaient se déchainer, et Nora savait que tout ceci était sa faute. La séquence des événements prévus défilait dans sa tête, cherchant la moindre faille, le moindre oubli, le moindre risque, mais elle ne trouva rien, et cela ne fit qu’empirer son angoisse.

 

Puis rien. Un silence absolu. La tension palpable de l’atmosphère hélliene s'était soudainement dissipée, remplacée par une aura de malaise. Artemis et son groupe regardaient autour d'eux, en détresse, cherchant d'où le danger allait bien pouvoir survenir, l’angoisse visible sur tous leurs visages. Mais les couloirs étaient trop sombres que pour percevoir plus loin que 10 mètres, la fumée et les gaz provenant du lac de lave nuisant toute avantage de visibilité.

 

Un fin bruit d’aspiration vient perturber le silence, et Nora réalisa que trop tard d'où il provenait. Elle fut pris de terreur en voyant une forme massive flottant au dessus du groupe dans les ombres du plafond de la caverne, une légère boule de feu blanc en main, illuminant un trio de visages squelettiques à la chaire noircie et difforme, les yeux luisants d’une aura grisâtre et malsaine. 

 

"AU DESSUS DE VOUS!" hurla-t-elle.

 

Mais c'était trop tard. La créature jetta la boule de flammes vers l'équipe d’Artemis, et le plateau explosa sous l’impact, propulsant un des soldats dans le lac de lave, le corps des trois autres atterrissant sur des rochers plusieurs mètres plus loin.

 

Serros hurla:

 

"Maintenant! À l'attaque!"

 

Le reste des soldats se mirent à tirer sur la bête avec leurs arbalètes, mais le wither se jeta au sol, dégageant un nuage de poussière rouge si épais que seuls ses yeux luisant trahissaient sa présence. Le monstre poussa un rugissement si puissant que la caverne trembla, quelques stalactites s'effondrant dans les alentours, assourdissant le groupe. Quand les oreilles de Nora arrêtèrent enfin de siffler, elle osa de jeter un regard dans la direction du carnage. La poussière s’était posée, et la lumière de la lave dévoilait enfin la monstruosité à laquelle ils avaient à faire. Devant elle se tenait un monstre de presque trois mètres de haut à trois têtes squelettiques asymétriques qui regardaient chacune dans une direction légèrement différente. Le torse était un amalgame de chair et d’os, ou l’on pouvait distinguer une horde de crânes à cornes et de visages difformes fusionnés, tous criant de terreur et de douleurs. La créature avait deux bras noirs comme le néant, composées eux aussi de restes d’os et de muscles tendus, se terminant en serres de la taille d’un poignard. Il n’avait pas de jambes, son torse terminant avec un bout de colonne vertébrale gluant et nécrosé. 

 

Dans sa main gauche, le wither tenait un des soldats par le visage, qui criait de terreur. Nora sentit le contenu de son estomac remonter dans sa gorge quand le monstre l'écrasa comme insecte, et que d'une de ses mâchoires il déchira un bras de sa victime. La tête principale se tourna alors vers elle et Serros. Avant qu’elle ne puisse même bouger, tétanisée par la scène qu’elle venait de témoigner, le Wither se propulsa vers eux, les yeux remplis de colère et de malice. Serros lui attrapa le bras, la secoua, mais sans succès.

 

"Bouge toi! Cours! Fui…" mais il ne put terminer sa phrase, son torse soudainement transpercé par la main du Wither, éclaboussant Nora de sang et de tripes.

 

Nononononon! Je ne veux pas mourir, seigneurs je ne veux pas mourir! Pas ici! NON!

 

Nora fuya. Elle courra le plus vite qu’elle pouvait. Derrière elle, elle n’entendait que le broiement d’os de son compagnon, un son si brutal qu’elle perdit toute raison. Elle ne savait pas où aller. Tout était noir devant elle, aveuglée par la panique. Chaque seconde était interminable, chaque moment une torture constante, l'adrénaline coulant à flot dans ses veines. Elle devait fuir. Mais où? La réponse ne lui vint pas assez rapidement, et elle sentit le choc d’une explosion derrière elle, la projetant en avant contre un rocher.


Le monde tournait autour d’elle.


Les lumières devenait de plus en plus flou.


Ses tympans sifflaient.


Une forme s’approcha d’elle.

 

Je suis désolée… Je suis désolée… Je suis désolée…  pardonne moi…

 

"Ce… moment…"

 

Je suis désolée… Je suis désolée… Je suis désolée…  pardonne moi…

 

"No-... nous!"

 

Je suis désolée… Je suis désolée… Je suis désolée…  pardonne moi…

 

"NORA!"

 

Elle sortit de sa stupeur. Au dessus d’elle se tenait Shrui, blessé, ayant clairement pris un coup sur la tête et couvert de poussière, mais vivant.

 

"NORA! ON BOUGE D’ICI! LÈVE TOI!

 

-C’est… c’est tout de ma faute…

 

- CE N’EST PAS LE MOMENT! IL FAUT SORTIR D’ICI! 

 

- Et les autres? Serros est… Artemis est…

 

- Artemis est encore en vie. Elle retient la bête! Maintenant bouge!

 

Nora se força de se lever, son corps répondant uniquement à sa force d’esprit. Elle sentait clairement qu’une de ses jambes, était fracturée et n'était plus capable de la soutenir, bien qu’elle avait tellement mal partout qu’elle n’aurait su dire laquelle. Et pourtant, elle mis un pas en avant. Et puis un autre. Soutenu par Shrui, le duo remonta aussi vite que possible le couloir. Du coin de l’oeil, elle vit les survivants se battant en retraite contre le Wither, le retenant autant que possible.

 

Ils vont mourir ici. On va tous mourir ici. Tous… À cause de ma bêtise…

 

"Vous deux!" entendit le duo devant eux. Nagos s'était assis à l’entrée du corridor de sortie, un bras manquant, couvert de sang de haut en bas, essoufflé. Il les regardait, dépité.

 

" C’est donc ici que tout se termine hein?" commença-t-il, défait. "Vous savez, j'avais toujours espérer voir la destruction de la surface, mais pas comme ça. Il n’y a pas de gloire, pas de charme, pas de beauté…" 

 

Il se releva avec beaucoup de mal, et continua.

 

"Serros est mort. Les rares autres survivant qu’on avait croisé sont probablement morts aussi. Les dernières flammes de notre civilisation s’estompent. Je ne sais pas si c’est de la colère, de la tristesse, ou un sentiment de reconnaissance que je sens…

 

-Nagos, j’ai besoin que tu la fermes deux secondes et que tu reviennes sur terre" coupa Shrui. "On ne peut pas laisser cette bête comme ça.

 

- Ah oui? Et tu compte en faire quoi humain? Tu serais mage par hasard? Tu n’aurais pas une prison magique en réserve dans ton froc?

 

- J’ai…hm… Serros n’avait pas dit que tous les helliens étaient doté d’aptitudes magiques?

 

- Pour le coup non, c'était elle" répondit Nagos, hochant de la tête vers Nora.

 

Nora leva les yeux vers Shrui, puis vers Nagos. Leurs regards ne cachaient aucunement leurs peurs. Ils avaient perdus. Artemis tenait encore tout juste la bete en arrière, et sens elle les autres soldats ne tiendraient pas le coup. Shrui ne pouvait pas être mis en danger non plus, son savoir était trop important que pour le sacrifier dans une telle crise. Et Nagos était le seul qui semblait capable d’utiliser la magie. Il n’y donc pas de catalyste. Personne ne peut servir de catalyste. Personne… Per… Pesonne? Elle compris soudainement, avec un certain effroit, ce qu’elle devait faire, se demandant presque pourquoi elle n'était pas arrivée à cette conclusion si évidente auparavant.

 

"Utilise moi." dit t’elle d’un ton froid. "Utilise moi comme catalyste."

 

Nagos ricanna un coup, mais son visage retourna au sérieux quand il vit que Nora ne rigolait pas.

 

"T’es bien sympathique mais je ne suis pas mage moi de base…"

 

"Mais si tu avais les glyphes tu devrais être capable de les produire, non?" répondit Nora.

 

"Peut-être mais…"

 

"Alors fait le. Shrui, tu n’as pas un tome de sigles sur toi par hasard?"

 

Shrui fouilla sa besace, et en sortit un petit livre en cuir.

 

"Il ne s’agit que d’une collection non exhaustive, je ne sais pas s’il y a quelque chose ici ded…"

 

Au bas de la colline, le reste des troupes courrait vers la sortie, le wither les suivants de proche. Le dernier de la file se fit attraper et  dévorer à son tour, ses cris de supplices résonnant dans la caverne. Il ne fallut pas dire de mots pour que tout le trio comprenne qu’ils devaient fuir. Ils empruntèrent le couloir maudit, le remontant aussi rapidement qu’ils le pouvaient. Shrui tournait rapidement les pages de son livret, cherchant désespérément quelque chose qui pourrait les sauver. Le wither les suivait, s'engouffrant dans le tunnel a son tour, creusant son chemin derrière eux, sa forme massive étant trop grande pour l'étroit passage. La galerie tremblait sous la force bestiale de la créature affamée.

 

"J’ai peut-être … j’ai quelque chose!" s’écria Shrui. "Nagos, jette un coup d’oeil à ceci!"

 

Il lança le livre au hellien, qui, regardant rapidement les formes sur la page, se tourna vers le mage, stupéfait.

 

"C’est pas exactement ce que je pensais comme solution!"

 

"C’est ça ou rien!" rétorqua Shrui, désespéré.

 

Nagos se tut, et se tourna vers Nora, son regard inquisiteur, l'interrogeant une dernière fois sans rien dire. Elle avait peur, elle était même terrorisé à l’idée de ce qui allait se passer, mais elle était convaincu que c'était la seule option pour eux. Le groupe continua sa course jusqu'à voir la lumière de la surface, la créature juste à leur trousse. Sortir. Il fallait sortir au plus vite. Le changement de température était radical, la lumière du jour berca le groupe pendant un moment semblant interminable, les acceuillant vers le calme et la sérénité.

Mais leur joie fut coupée courte quand ils entendirent les rugissement de la bête derrière eux, s’approchant rapidement de la sortie.

 

"Maintenant Nagos!’ hurla Shrui.

 

Nora senti la main de l’héllien venir sur son épaule, murmurer quelques mots dans sa langue natale, et soudainement, un sentiment de soulagement l’enveloppa. Elle se sentait légère, flotter dans un vide sans fin. Autour d’elle, elle apercevait les survivants qui la regardait avec angoisse. Elle se sentait grandir, ses mains et ses bras se désintégrant devant ses yeux. Et pourtant, elle ne sentait aucune douleur. Au contraire, une certaine euphorie s’empara de ses pensées, un calme et une joie qu’elle n’avait plus ressenti depuis des années. Ses désirs de gloire et de grandeur s'évaporaient sous ses yeux, idées éphémères et, au fond, inutiles. Elle trouva une paix interieur qu’elle ne pensait jamais trouver, et, un sourire au lèvres, elle se laissa fondre en l'immatériel.

 

Tout était blanc. Tout était calme. Tout était parfait.

 

Et puis une faim… une grande faim… Une faim inassouvissable… 

 

La forme de Nora disparu entièrement, devenue poussière. Tout le monde regarda avec effroi la scène, Nagos le plus confus de tous. Le sortilège avait-il fonctionné? Avait-il juste tué une femme pour rien? Il se retourna avec effroi vers la bouche du tunnel. Le Wither était à l’entrée. Aveuglé par la lumière, il se froissa quelque peu, grondant méchamment. Mais une fois sa vision ajustée, et qu’il réalisa que la lumière ne lui faisait aucun mal, il aperçu ses proies à l’air libre. Aucun endroit où fuir.

 

J’ai faim…

 

 D’un puissant coup de bras, il sortit du tunnel, et cria si fort que les réverbérations auraient été entendues jusqu'à Yorez. Des rochers dévalaient les pentes hirsute du volcan, soulevant un nuage de poussière qui enveloppa la vallée.

 

J’ai faim…

 

Un pas en avant. Les survivants tombèrent au sol, la panique les ayant enfin brisé. Le Wither inspira, préparant une nouvelle boule de feu.

 

J’AI. FAIM.

 

Son souffle fut coupé court. Quelque chose le retenait. Une soudaine crise de douleur le pris, et en se retournant, le visage de la créature dévoila pour la première de son existence une panique instantanée. Sur le flanc de la montagne, précédemment une face inerte de roche et de terre, se tenait à présent un crâne déformé de pierre et de lave, rugissant à son tour, et d’une bouchée unique dévora le wither dans un bruit de tonnerre assourdissant, laissant place à un calme que le groupe n’avait plus eu depuis la matinée…


 

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