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[Mémoire] Les marins


Ctrofun
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Un journal tacheté de jaune, le verre de bière vide à proximité en est très certainement la cause.

 

Je décide aujourd’hui de m’arrêter quelques minutes afin de trouver du repos dans l’écriture. Les marins animent d’habitude le quartier épicurien, cependant je vais vivre ce séjour chez les stoïciens. Nous venons d’accoster il y a de ça une heure et demi approximativement, la Perle Noire est resté en périphérie de l’île, un grand navire commerçant comme le nôtre ne rentre dans aucun des ports. Nous avons donc sorti les barques afin de rejoindre Yppade. Nous venons des étendues chaudes et désertiques de l’Est où nous avons acheté encens, épices et tissus en grande quantité. Notre cargaison partira vraisemblablement demain matin vers la capitale, nous resterons un peu plus longtemps sur l’île avant de prendre la route du Sud où notre contrat nous demande de ramener du poisson en provenance de villages vikings.

 

Je consacre l’une des après-midi que je vais passer ici à me détendre en racontant la vie des marins sur l’île Yppade. Nul visiteur de l’île ne peut manquer l’activité commerciale de celle-ci. Les ports sont en mouvement perpétuel, les petits bateaux y arrivent et y déchargent leurs marchandises, les barques pleines à rabord de matériaux en tout genre accostent avant de repartir vers les plus grands galions. De ce fait, les trois quais principaux de l’île sont toujours bondés, si bien que certains navires n’hésitent pas à jeter l’ancre à côté de l’île, en dehors des ports principaux.

 

Si vous vous enfoncez un peu plus dans l’île, vous débarquerez dans un véritable marché. Des étales représentants tous les métiers du monde y sont installés vulgairement. Ces échoppes changent constamment de propriétaire car un marin ne passe généralement pas plus de cinq jours sur l’île, et c’est déjà beaucoup. L’extérieur de l’île est assourdissant, entre les cris incessants venant des ports et les ventes à la criée du marché central, vous ne tiendrez pas bien longtemps avant vous réfugier à l’intérieur. Le seul endroit calme d’Yppade est certainement le quartier stoïcien, celui des précurseurs étant hyperactif et celui des épicuriens rythmé par les cris de beuverie et autres chants paillards.

 

Bref, vous vous rendrez rapidement à la taverne comme la plupart des gens de passage sur l’île. Certes, l’endroit est très bruyant, mais ça ne peut être pire que dehors. « Toc », le bruit des chopes percutant les tables. « Gâteaux, achetez mes gâteaux ! », les cris d’un jeune homme barbu en tablier. « Manon la geuze ne porte pas d’c.. » , les chants des gens un peu trop saouls. « À la une, à la deuze et à la troize », hop cul sec. Je vous passe les concours d’insultes et autres vomissements. Mieux vaut rejoindre le délire général que contempler les dégâts dans un coin un peu trop sobre. Le soleil ne sera pas encore couché que vous ne marcherez déjà plus droit.

 

Au milieu de la nuit, la fête commence à s’estomper. Les fêtards tombent un à un comme des mouches et passent la nuit coucher sur le trottoir. Les rares résidents du quartier tentent de retrouver le chemin de leurs taudis. Et vous vous mettez en quête d’un coin douillet –un peu de paille fera l’affaire- pour enfin trouver sommeil. À ce moment, évitez les souterrains, vous n’y trouverez que des ennuis. Cet endroit est le repaire des contrebandiers, et ces gens-là sont rarement hospitaliers. Au mieux, vous vous retrouverez au « Bar à mutes » où vous attendra certainement le jeune homme au tablier. « Au mieux » dis ai-je, c’est à vous de voir, personnellement je me demande s’il ne vaut pas mieux se frotter aux contrebandiers, ce serait peut-être moins douloureux.

 

Si vous avez écouté mes conseils –ce dont je doute car vous vous rendrez assurément plus vite à la taverne qu’à la bibliothèque- vous vous réveillerez en fin de matinée dans le quartier épicurien émergeant. C’est là que la fête commence, de retour au « Carpe Diem » les « Toc », « Gâteaux ! » et autres « Au clair de la lune » vous achèveront, pour éviter le désastre vous commanderez une chopine, puis une autre, une troisième, encore une autre, et après ça vous ne serez plus en état de compter. En revanche, si ce jour est le dernier que vous passerez sur l’île, vous rejoindrez le petit groupe de marins en dégrisement qui rejoint votre navire prêt à se faire remonter les bretelles par un capitaine au bout du nez étrangement écarlate et à la démarche titubante.

 

Je vis ce cycle éternel depuis des années et pour la première fois j’ai choisi de passer le séjour dans un autre quartier. Je reviendrai dans quelques semaines et reprendrai ce cycle comme tout marin digne de ce nom. C’est l’heure de la prière… Je pense que je vais aller me chercher un godet, ce sera moins pénible.

 

Un marin de la Perle Noire.

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